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Anecdotes 90 ans – Ils ont marqué l’histoire du téléphérique

27 novembre 2024
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Le pirate de la Bastille

Aussi à l’aise au lofe que dans la peuf, les turbulences ne l’inquiétaient pas. À la fois marin, moniteur de ski et pilote d’ULM, les bulles de la Bastille allaient offrir à Michel LAMBERT un terrain parfait pour qu’il exprime son goût de l’aventure.

Quand il arrive à la Bastille comme directeur, en 2002, le téléphérique est un navire en mer calme doucement bercé par les clapotis grenoblois. Seulement, l’homme est une bourrasque à lui seul et ce qui l’amuse c’est affronter le grain. Ainsi, va-t-il s’emparer du téléphérique à la manière d’un capitaine de piraterie, il va falloir hisser-haut ! Le souffle de Michel sur les bulles va les propulser vers de nouveaux territoires. C’est que Michel, souque ferme et tient le gouvernail en même temps. Il n’y a pas un cap, qui ne mérite d’être étudié, ce qu’il veut c’est ouvrir une nouvelle route.

Certes, le câble qui relie la ville au Fort de la Bastille est déjà tendu, mais là-haut que se passe-t-il ? En ce début de XXIe siècle il n’est plus concevable de se contenter d’un aller-retour pour apercevoir un bout du Mont Blanc. Il faut être moderne ! Il faut donner au public plusieurs raisons de monter ! Et même, lui donner envie de remonter encore et encore, plusieurs fois par an ! L’argent ne sera pas un problème, il a la carte de toutes les îles au trésor institutionnelles : FRACET, ALCOTRA, PAUE, TROPHEES RRA, etc., dès qu’un organisme fait un appel à projet, Michel a une nouvelle idée qui sera financée.

Sous son impulsion, les bulles vont devenir des balles rebondissantes et le fort apparaît presque comme un manifeste des valeurs portées par Michel :

  • Justice sociale : les personnes à mobilité réduite découvrent un nouveau site accessible à 100% et sur 7 niveaux. Au même moment, une sandwicherie ouvre ses portes (cahier des charges de la sandwicherie : bon et pas cher !)
  • Bon vivre : L’étroite terrasse du restaurant passe de 2 mètres à 6 mètres de large.
  • Elégance : Les murs de la gare supérieure s’égayent avec de l’acier Corten.
  • Culture : Le Centre d’art bastille, l’Acrobastille, le Musée des Troupes de Montagnes, des spectacles (dont Dernière Ronde à la Bastille qui a été joué pendant 12 étés consécutifs) voient le jour.
  • Convivialité : On organise des séminaires, des fêtes, des mariages, dans des casemates jusqu’alors fermées au public.

Et puis un jour, en ce début d’année 2013, il a eu mal au ventre. Hélas, ce n’était pas un mal de mer mais un méchant crabe qui l’attendait en embuscade. Bon vent en mers inconnues Michel !

Michel LAMBERT, en 2010


© RTGB

Le syndrome de la Bastille

Il se passe quelque chose d’étrange dans l’esprit de toutes celles et tous ceux qui travaillent pour le Téléphérique de Grenoble ; c’est une sorte de syndrome de la Bastille. Les symptômes arrivent progressivement et peuvent vite devenir obsédants. Sans que l’on s’en rende compte, il arrive un moment où le téléphérique occupe une place excessive dans la vie des individus. Si certains ont un petit vélo dans la tête, chez nous, c’est carrément un téléphérique ! Une fois atteint du symptôme de la Bastille, l’individu produit des comportements baroques qui le poussent à agir – parfois – de manières poétiques.

Ainsi en est-il de Thibaut CONESA, notre chef d’exploitation, capable de se promener dans les entrailles du téléphérique, tous ses sens en éveil, à la recherche du moindre petit défaut. Mais ce que l’on raconte sur Thibaut est autrement plus inquiétant. Si l’on ne sait pas trop à quel moment il a vrillé, c’est le jour de la naissance de sa fille que son syndrome de la Bastille a explosé à la face du monde. Comme tous les futurs parents, cela faisait déjà plusieurs semaines qu’il cherchait un prénom pour sa fille. Shéhérazade lui plaisait bien, mais il n’arrivait pas à définir ce qui ne fonctionnait pas avec ce prénom. S’il arrivait toujours à écrire le S, le H, le E, le deuxième H, le deuxième E, sa main se mettait alors à trembler et jamais le R ne s’écrivait. Quand soudain tout lui est apparu clairement, c’est le nombre de lettres qui ne convenait pas ! Onze lettres ! Onze lettres alors que le téléphérique n’a que cinq bulles ! Il fallait que sa fille se prénomme en cinq bulles ! Même quatre ! Au cas où un jour le téléphérique refonctionnerait avec des trains de quatre bulles seulement. Lola !

Thibaut, désormais contrôlé par son syndrome, savait ce qu’il devait faire. Frénétiquement, il s’est attelé à sa première tâche de père : fabriquer cinq disques de PVC de la taille d’une bulle, les peindre en rose et écrire sur l’un un L géant, sur l’autre un O, puis un L et un A pour finir avec un cœur. Il aurait fallu se lever tôt, en ce dimanche 2 octobre 2022, pour voir cet exceptionnel train de bulles glisser jusqu’au-dessus de l’Isère puis revenir en marche arrière afin d’annoncer la naissance de l’enfant. Reste une rumeur qui circule dans l’équipe, il paraît que le contrat de travail de Lola est déjà prêt et se trouve dans un des tiroirs de Thibaut…

Thibaut CONESA, en 2023

© Théo LALLIOT

Bulles pour la naissance de sa fille Lola, en 2022

© RTGB

Autoportrait masqué

Pour certains, il s’appelle Barnabé de la Bastille (1) et prétend être né le même jour que les débuts de la construction du Fort de la Bastille. On l’a vu sous les traits de Félix Legardian (2), téléféricologue émérite. Il aurait, lors d’un week-end d’Halloween, terrifié les enfants sont le masque de Sorgue l’Obscur (3). Pour d’autres, il serait « la nounou (4) » du plus petit soldat de France, Albert Roche. Certains prétendent même l’avoir aperçu derrière le visage d’Hippolyte Bouteille (5), premier directeur du Muséum de Grenoble et découvreur du Dahu de Chartreuse. Enfin, il semblerait qu’il apparaisse ces derniers temps dans le costume de Bill Lacabine (6) racontant sans vergogne qu’il est né dans le Téléphérique de Grenoble et écrivant des jeux de piste pour les familles. Et puis, en quittant la colline de la Bastille, on le retrouve (encore !) sous d’autres identités dont la liste serait longue et fastidieuse à dresser ici.

Qui est-il ? Que fuit-il ? Pourquoi se cache-t-il derrière tous ces masques ? Que veut-il ? Qu’est-ce qui le pousse à s’emparer de tous ces sujets pour les raconter aux passants ?

On murmure même que ces « 90 nuances de téléphérique » auraient surgi de sa plume… Il serait l’inventeur de l’ordre des Chevaliers de l’hypoténuse (7).

C’est ainsi que, sans trêves, Pascal servait.

Pascal SERVET, alias Bill Lacabine, en 2024

© Ville de Grenoble / Mathieu NIGAY

Un enfant des Bulles

Si certains sont des enfants de la balle, lui est incontestablement un enfant des bulles ! La légende raconte même qu’il aurait été conçu dans le téléphérique et, comme souvent avec les légendes, il y a un fond de vérité : Yves ERIÉ est bien un enfant du téléphérique. Il nous raconte volontiers comment, tout jeune adolescent, il accompagnait son papa, Paul ERIÉ, qui fût d’abord cabinier, puis conducteur, à la plus grande fierté de son fils.

Le hasard veut que sa vie professionnelle s’ouvre en même temps que celle des bulles. Il a participé aux premiers essais, il était là le jour de l’inauguration et n’a plus jamais quitté le téléphérique. Alors, il se souvient des couleurs, des odeurs, des sons, « du clapotis de l’Isère au petit matin dans la ville endormie ». Aujourd’hui à la retraite, cet ancien chef d’exploitation a toujours l’oreille aux aguets : il écoute le chant des câbles, la petite musique des poulies, le ronronnement du moteur et sait, sans se tromper, déceler la petite anomalie qu’il faudra corriger. Il connaît jusqu’au moindre écrou perdu dans les tréfonds de la mécanique, aucune vis ne mérite son mépris !

À ce niveau ce n’est plus de la mécanique, dans sa main un tournevis devient une plume avec laquelle il fabrique de la poésie. Nous avons même croisé un médecin qui nous jure qu’Yves possède une bulle à la place du cœur, que ses artères sont des câbles et ses neurones des poulies bien graissées ! Et en effet, Yves est à l’image de notre téléphérique : dans sa tête, tout fonctionne en rotation continue, il a le cerveau pulsé !

Alors, il faut rendre au César des téléphériques ce qui appartient au César des téléphériques : toutes ces histoires, toutes ces anecdotes, tous ces textes que vous lisez, n’existeraient pas sans Yves. Ainsi, depuis 1980, il collecte, cherche, fouille, trouve, s’étonne, s’amuse et surtout partage, transmet, offre ses connaissances, ses trouvailles. Il fait œuvre d’archiviste généreux, d’historien communiquant, il est la mémoire du téléphérique.

Alors, moi, l’auteur de ces lignes, je dois ici me taire pour lui laisser la parole et j’aimerais partager avec toi, lecteur, ces moments où je m’assois à sa table et l’écoute. Ainsi, dans le texte suivant – pioché au cœur du recueil de 1 240 pages qu’il m’a offert – Yves nous raconte la naissance de sa passion.

« Mon petit Noël à moi, c’était simplement ces journées du service 2 de 12h00 à 19h30, lorsque mon père me demandait de m’assoir, à ses côtés, sur un poussiéreux casier à bouteilles en bois, et surtout, de ne plus en bouger. Je me nourrissais de chacun des gestes qu’il répétait à l’identique à chaque voyage…
J’attendais la sonnerie, celle qui annonçait le départ du voyage… mes oreilles, alors, se remplissaient du ronronnement des engrenages entremêlé au sifflement du moteur en pleine accélération… les claquements du gros rotacteur au passage des plots de résistances… les odeurs de cette mystérieuse salle des machines chaudes et grasses… et les curseurs, chacun était l’image d’une cabine, le croisement de ces derniers en milieu de parcours… ils déclenchaient comme par magie, une vive lumière rouge et un strident klaxon lorsque les cabines arrivaient au- dessus de l’Isère, que surplombait magistralement le poste de conduite…à partir de cet instant, il fallait ralentir l’installation, d’un coup d’œil, que je voulais expert, je mesurais le nombre de passagers à l’intérieur de la cabine, lorsqu’ elle était bondée, je savais que père allait devoir livrer une petite bataille avec le frein. L’arrêt se devait d’être confortable, régulier et précis jusqu’au gros ressort de fin de course… Pendant le voyage, après avoir étiré le buste, j’observais le ballet désordonné et incessant des aiguilles des gros indicateurs de vitesse, de courants, de tensions… au fil du temps je compris que la puissance était l’image du courant qui se lisait sur l’appareil avec le gros A … à l’approche du pylône de ligne, sa valeur augmentait systématiquement et proportionnellement à la charge de la cabine… j’endossais alors le rôle du parfait petit ‘contrôleur’ en comparant l’indication de l’ampèremètre au taux de remplissage de la cabine montante… il ne se trompait jamais. Moi, si quelquefois… Voilà d’où me vient cette passion, inébranlable. »

 Yves ERIÉ, en 2016


© RTGB
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Anecdotes 90 ans – Évacuations et exercices

20 novembre 2024
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En novembre, vous saurez tout sur les exercices d’évacuation du téléphérique de Grenoble organisés chaque année.
En prime, découvrez le récit des deux uniques réelles évacuations de 1976 et 2014 !

Quand le téléphérique coince la bulle

En 1934, l’une des tâches du cabinier est de s’assurer, avant d’embarquer, qu’une corde est bien présente dans la cabine. La longueur de cette corde doit être un peu supérieure à la hauteur la plus haute qui sépare le téléphérique du sol. On comprend que cette corde est un équipement de sécurité servant surtout à s’échanger du matériel, des outils ou n’importe quoi d’autre d’utile, si la cabine devait rester coincée en ligne. Plus rarement, elle pouvait servir à évacuer les passagers, ainsi trouve-t-on dans le matériel vendu aux exploitants de téléphérique un sac de sauvetage dans lequel les voyageurs devaient se glisser pour être redescendus.

C’est que la question de l’évacuation des passagers est une préoccupation constante pour toutes les remontées mécaniques et le Téléphérique de Grenoble n’échappe naturellement pas à la règle. Ainsi chaque année des exercices d’évacuation sont organisés. La méthode est simple : on remplit le téléphérique avec une soixantaine de volontaires et on fait semblant de tomber en panne ! On choisit la configuration : au-dessus des immeubles, au-dessus de l’Isère, au-dessus des arbres, de jour comme de nuit, … Et ensuite, ce sont les pompiers du GRIMP (Groupe de Reconnaissance et d’Intervention en Milieux Périlleux) qui viennent secourir ces naufragés volontaires. L’affaire se corse quand ils arrivent au sol : par exemple, au-dessus de l’Isère, il faut un bateau, au-dessus de la végétation, il faudra peut-être élaguer, au-dessus des immeubles, la grande échelle des pompiers devra être déployée. Rien n’est oublié, aucune configuration n’est écartée, ainsi lors de l’exercice de 2024, une personne en fauteuil roulant était présente dans les bulles et fut évacuée tout en douceur.

Enfin, pour rejoindre les passagers, les pompiers utilisent des appareils de déplacement autonome sur câble, sorte de chariots fonctionnant par gravité. Il est a noté que la Régie du Téléphérique en a acheté quatre qu’elle met à la disposition des pompiers qui ont installé une tyrolienne dans leur caserne spécifiquement pour s’entrainer à manipuler l’engin !

C’est donc bien au moment où le téléphérique coince la bulle que tout le monde s’agite !

Exercice d’évacuation au-dessus de l’Isère, en 2015


© DL / Stéphane PILLAUD

Cabine en détresse, nacelle en dé-stress !

C’est dès la conception d’un téléphérique que les techniciens envisagent le cas d’une panne nécessitant une évacuation des passagers. Ainsi, en 1934, l’un des candidats à la construction (REBUFFEL et HECKEL) fut écarté car son système de sauvetage semblait trop aléatoire. En revanche, l’entreprise Bleichert proposait deux nacelles de sauvetage prêtes à s’élancer sur le câble porteur et bénéficiant d’un câble tracteur auxiliaire dédié. A cette époque, ces nacelles (garées en gare inférieure) peuvent transporter cinq passagers, sont reliées par téléphonie aux deux gares et surtout, le Téléphérique de Grenoble est le seul, en France, à posséder deux nacelles de sauvetage. Ce système existera jusqu’en 1976, date à laquelle le téléphérique sera entièrement remodelé pour prendre son aspect actuel.

1976 donc, naissance des bulles et changement de nacelle de sauvetage. On décide de n’en mettre qu’une seule mais pouvant transporter 8 personnes, soit 6 victimes et 2 sauveteurs. Comme ses prédécesseuses, elle fait pleinement partie du plan d’évacuation. Stockée au pied du pylône, en cas de besoin, elle est mise en mouvement par un treuil installé sous la taille de guêpe du pylône. Elle descend par gravité, retenue par le treuil, sur le câble tracteur. De cette manière, la nacelle accoste facilement les cabines en détresse et les passagers sont évacués par la porte des bulles, vers la nacelle.

Hélas, lors des essais, le prototype montre une fâcheuse tendance à dérailler… En cause, le peu d’expérience des salariés de la régie, qui maîtrisent mal le temps de latence du déroulement du câble du treuil, mais surtout un défaut de conception des galets (les roues). Remédier à ce problème consista à simplement installer des galets de roulage en aluminium massif et ajouter des contre-galets de manière à enfermer le câble sur lequel la nacelle devait rouler. Rapidement, une seconde nacelle fut installée et les employés du téléphérique furent entrainés, exercés, formés régulièrement à toutes les procédures de mise en œuvre de la nacelle et de secours en collaboration avec les pompiers.

Puis en 2019, la manœuvre de mise en service des nacelles semble bien longue, compliquée, peu moderne, il est donc décidé de passer à un système plus efficace et actuel. Les nacelles sont envoyées à la ferraille et le téléphérique s’équipe de chariots autopropulsés.

 La nacelle d’évacuation, en 1976

© Dauphiné Libéré

Comment passer pour des crétins des Alpes ?

Comment passer pour des crétins des Alpes ? Facile : le jour de l’inauguration du nouveau téléphérique (18 septembre 1976), inviter tout le gratin dauphinois, convoquer la presse, dire qu’on est les meilleurs, faire un peu de bruit avec des fanfares et… dérailler ! Le résultat est garanti : attroupement de plusieurs milliers de personnes sur les quais et titres moqueurs dans la presse ! L’incident régale encore les conversations grenobloises presque 50 ans après l’événement. Il est vrai que l’évacuation fut spectaculaire et probablement un peu trop longue, le déraillement s’étant produit à 15h45, le dernier passager évacué fut libéré à 20h20. Mais, le téléphérique a donné un spectacle grandiose ! D’abord la forme du déraillement qui donne l’impression que deux bulles se sont soudainement aimantées, et puis tous les moyens mis en œuvre : grande échelle des pompiers (pour délivrer les passagers des bulles au-dessus du quai), nacelle de sauvetage qui multiplie les allers-retours et hélicoptère avec pompiers et passagers suspendus dans les airs.

Assurément on n’a jamais vu ça ! Et l’imagination des grenoblois part au grand galop, ce serait un homme de forte corpulence (un gros !) qui aurait fait dérailler la bulle n°3.1 en ayant un comportement inapproprié, sans doute dû à son enthousiasme débridé. La rumeur se propage dans les journaux, fait les titres et encore aujourd’hui, en 2024, des témoins racontent cette histoire éminemment farfelue. Oui, les bulles ont déraillé, mais non, aucun passager n’en est la cause. La raison est purement technique, un petit défaut de conception qui a favorisé un rebond de la bulle au moment où, quittant le rail de la gare inférieure, elle monte sur le câble. Petit défaut qui sera corrigé sans difficultés techniques dans les jours suivants.Évacuation du téléphérique, en 1976

© Dauphiné Libéré

Fou rire grenoblois

18 septembre 1976, alors que le nouveau téléphérique accueille des passagers depuis plus d’un mois, c’est enfin le jour de l’inauguration des bulles ; et alors que, ce téléphérique qui existe depuis 1934, n’a jamais connu la moindre panne significative, c’est ce jour précis, au moment du pic d’affluence, qu’il déraille ! Tous les sièges sont occupés (72 passagers) par un échantillon représentatif de la population grenobloise. Les passagers ont entre 2 et 82 ans, une religieuse est à bord et même un petit chien. L’évacuation, bien qu’un peu longue, a permis de libérer tout ce beau monde en sécurité. Bref, plus de peur que de mal, l’heure des moqueries arrive ! On rigole dans les familles, on pouffe dans la presse, on se marre au bistrot, bref tout Grenoble affiche un large sourire. La palme des deux meilleurs dessins de presse revient, sans discussion possible, à Jean BRIAN.

C’est tout d’abord ce poster très connu titré « Les grandes heures de Grenoble », où l’on voit trois bulles débordantes d’un public plutôt placide, attendant d’être libéré par les pompiers. Sur le câble, deux agents du téléphérique s’affairent sans affolement, dans une bulle un passager lit, une dame tricote, certains plongent, etc.

On peut reconnaître certaines personnalités de Grenoble, l’homme qui pêche serait le préfet qui, parait-il, mangeait une truite fraîche chaque midi ; dans la même bulle, une tête ronde et moustachue nous regarde en levant les sourcils, un peu grognon, c’est probablement Denis CREISSELS, l’ingénieur et concepteur des Bulles.

Dans la bulle du milieu, un autre moustachu, le regard tourné vers la gauche, c’est Jean JOUBERT, le contrôleur du BDARM (Bureau Départemental des Appareils des Remontées Mécanique). Dans la même bulle, au-dessus de l’homme au chapeau lisant Vol de Nuit, une tête au cheveux clairs, tournée de profil, regard porté vers la gauche, on reconnait Gaston CATHIARD, le directeur de l’entreprise Pomagalski (fabricant du téléphérique).

Dans la troisième bulle, à la gauche de l’homme qui joue de la trompette, une tête aux cheveux courts jaillie de la bulle, la bouche grande ouverte, comme dans un cri de colère, c’est Daniel VILLIOT, le directeur du téléphérique. En bas de l’échelle des pompiers, un bouquet de fleurs à la main, Hubert DUBEDOUT, le maire, à côté de lui, Jean-Louis SCHWARTZBROD, l’élu municipal président de la Régie du Téléphérique.

Enfin, le dessinateur, peut-être dans un souci de précision journalistique, n’oublie pas de représenter, presque au centre de l’image, le chien suspendu dans le vide. Il est vrai, selon le témoignage des sauveteurs, que son maître, refusant de se séparer du petit chien au moment de l’hélitreuillage, a préféré le garder dans ses bras. Par sécurité, il se passe la laisse du chien autour du cou et, au moment de l’extraction de la cabine, le chien lui échappe des bras. Voilà comment maître et chien, reliés par la même laisse autour du cou, ont survolé pendant quelques secondes l’Isère avant de rejoindre sain et sauf l’hélicoptère. Inutile de dire que les procédures d’évacuation actuelles interdisent ce type de comportement.

Sans doute, reste-t-il des personnalités que nous n’arrivons plus à identifier, on se demande où se trouvent MM. CLAVEL, GARNIER, BERGER… autant d’ingénieurs ayant apporté leurs compétences à la bonne de marche de notre appareil.


Dessin de l’inauguration par Jean BRIAN, en 1976

Dessin de l’inauguration par Jean BRIAN, en 1976

Le deuxième dessin de Jean Brian, moins connu mais tout aussi drôle, se moque gentiment de Denis Creissels (le concepteur des bulles) en le représentant seul dans une bulle et entouré de plus d’une vingtaine de systèmes de sauvetage allant du siège éjectable à une réserve de vivres pour 8 jours. On n’a pas fini d’en rire.

Panique au téléphérique

En 90 ans de fonctionnement, le téléphérique n’a été évacué que 2 fois, la première fois en 1976 et la seconde le 29 juin 2014 et j’étais dedans ! Nous étions avec Maryse MICHAUD en train de répéter un spectacle que nous avions créé à l’occasion des 80 ans du téléphérique. Évidemment un spectacle qui raconte l’histoire du téléphérique ne pouvait que s’amuser du déraillement de 1976, ainsi j’avais imaginé une sorte de conspiration anti-téléphérique. Le spectacle débutait dans les locaux de l’office de tourisme puis nous traversions la ville pour embarquer avec les spectateurs dans les bulles et jouer les dernières scènes en haut. Cela nous permettait de dire que nous étions le seul spectacle au monde intégrant un téléphérique dans la mise en scène. Et justement, ce jour-là avec Maryse, nous faisions des allers-retours pour régler un petit haut-parleur – que nous avions ajouté dans les bulles – et qui racontait de manière humoristique comment se comporter en cas de panne !

Mais quelle était-elle cette panne ? En raison d’un coup de vent absolument imprévisible et pile au mauvais endroit (au pylône) le câble tracteur a déraillé. C’était une journée très calme sans vent significatif – le relevé météo montre une force maximale à 8 km/h – quand est arrivée, du Nord de la vallée du Grésivaudan, une bourraque de 104 km/h. Une seule ! Je me souviens encore du mouvement latéral de la bulle, comment nous avons été soudainement bousculés, mais une seule fois. Puis le téléphérique s’est arrêté et nous avons attendu. Si cette rafale avait soufflé 15 secondes plus tôt ou 15 secondes plus tard, nous n’aurions rien à raconter car l’événement serait passé inaperçu, les bulles n’auraient pas été au pylône et le câble n’aurait pas déraillé. Reste que nous voilà coincés dans les bulles en compagnie d’un petit haut-parleur qui se moque des gens qui sont coincés dans les bulles.

Quelque temps plus tard les pompiers sont arrivés, sont passés par le pylône pour rejoindre le câble, ont remonté ce câble sur quelques mètres à la manière d’un pont de singe, puis sont entrés dans les bulles pour nous installer dans un baudrier et nous redescendre à la moulinette. Sur le sentier, un véhicule tout-terrain des pompiers nous a pris en charge pour nous remonter sur le glacis où un poste de secours nous attendait avec des boissons chaudes et tout ce qu’il faut pour réconforter les naufragés que nous étions devenus. Pendant ce temps, l’hélicoptère s’occupait de secourir les 30 autres passagers du train de bulles descendant qui était coincé au-dessus de l’Isère.

Enfin, au poste de secours, une équipe de télévision nationale faisait le reportage, je me suis donc approché d’eux et j’ai pu faire la promotion de notre spectacle dans toute la France ! Voilà pourquoi quelques années plus tard, certaines personnes s’amusent encore à me soupçonner d’être à l’origine d’un sabotage ! Ce que je démens formellement !

Ironie du sort, quelques jours plus tard nous faisions la répétition générale en public avec une centaine de spectateurs, quand un orage violent s’est déclenché au moment même où les derniers spectateurs arrivaient en haut. C’est ainsi qu’alors que nous jouions les scènes sommitales, le téléphérique arrêtait ses rotations pour laisser passer l’orage… Jamais un spectacle n’a porté si bien son nom : Panique au téléphérique.

Évacuation du téléphérique, en 2014

© Matthieu RIEGLER / CC-BY
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Anecdotes 90 ans – Le symbole de Grenoble

14 octobre 2024
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En octobre, nous allons nous intéresser au téléphérique comme symbole de la ville de Grenoble.
Stendhal disait « au bout de chaque rue, une montagne », mais aujourd’hui il serait aussi possible de dire « à chaque coin de rue, les Bulles » !

Florilège pour s’envoler dans le temps

Il faudrait arriver à se replonger dans l’ambiance de 1934, se souvenir que l’aviation est débutante et les sports d’hiver (avec leurs remontées mécaniques) balbutiants. Et là, dans la ville de Grenoble, on installe un téléphérique au départ du centre de la ville et accessible à toutes et à tous. Cette expérience de l’envol, des pieds qui se détachent du sol est absolument nouvelle, inédite, exceptionnelle. Pour la très grande majorité de la population c’est une découverte inattendue.

De nombreux articles de presse témoignent de cette sensation. Vous trouverez ci-contre un florilège de quelques-unes de ces phrases piochées dans ces articles. Etes-vous prêt pour un voyage dans le temps suspendu au câble de notre téléphérique ?

Le téléphérique est de la navigation aérienne.
(La Dépêche Dauphinoise / 10 septembre 1934)

Une véritable initiation aux émotions aériennes (…) Le passage au pylône ondule de la plus agréable façon.
(Le Petit Dauphinois / 10 septembre 1934)

Confiez-vous à la nacelle bleu de roi (…) et voici que, sans bruit, du quai de l’Isère (…) vous êtes délicatement soulevé, enlevé et sous vos pieds se détachent (…) le Rabot, puis les bastions, puis les redans de la Bastille.
(Le Salut Public / 29 septembre 1934)

La nuit (…) C’est d’un effet saisissant. La terre et le ciel se mélangent dans le désordre d’un étrange scintillement.
(L’écho de Paris / 30 septembre 1934)

Le trajet présente un spectacle comparable à celui que l’on a d’un avion.
(La Dépêche Dauphinoise / 30 septembre 1934)

La « sainte fatigue » de la marche en montagne aura décuplé le plaisir de la descente en téléphérique.
(La Dépêche Dauphinoise / 6 octobre 1934 / Signé par Le Marcheur Inconnu)

Mettre, en quelques sortes, les Alpes à la portée de tous.
(Le Matin / 9 octobre 1934)

Je me suis alors laissé tomber avec la cabine dans le vide.
(La croix de l’Isère / 23 octobre 1934)

Ascension dans un fauteuil.
(République du Sud-Est / 12 juin 1935)

La plus sensationnelle des attractions.
(Le Dauphiné / 28 juillet 1935)

Comme si d’un bond on s’élevait de 300 mètres.
(La Tribune des Nations / 20 décembre 1935)

Michoudettes et Boules à Doudou

Téléphérique ? Chemin de fer aérien ? Ficelle grenobloise ? Pendant quelque temps, dans la presse, toutes ces dénominations co-existent. Il en va de même pour les cabines appelées parfois bennes ou wagons.

Mais la palme revient aux grenoblois qui surnommèrent les toutes premières cabines les « Michoudettes » du nom de Paul MICHOUD, initiateur du projet en 1934. Coïncidence, en 1976, quand le téléphérique acquière sa silhouette en bulles, il semblerait que dans certains milieux (notamment au CENG, maintenant CEA) on affubla notre tout nouveau téléphérique du sobriquet de « Les Boules à Doudou ». Référence à Hubert DUBEDOUT, alors maire de Grenoble.

On rase gratis !

Nous sommes en 1935, le téléphérique est ouvert depuis quelques mois. Comment en faire la promotion auprès des grenoblois ? Comment vous y prendriez-vous ?

Il faudrait trouver un endroit dans lequel tout le monde (ou presque) se rend et où l’on parle, où l’on échange, où l’on papote, où l’on véhicule les derniers potins. Les coiffeurs ! Le 5 juin 1935, opération de communication en direction des coiffeurs : tous les coiffeurs grenoblois (patrons et employés) reçoivent des bons gratuits pour un voyage à la Bastille par le téléphérique.

 Bulletin Mensuel, en 1935.

Écumer la ville

Que feriez-vous si on vous disait : S’il-vous-plait, dessine-moi Grenoble.

Facile, entre trois et cinq disques côte à côte, alignés dans un mouvement ascendant. A partir de là, toutes les variations sont possibles, faites l’expérience, cherchez le Club de Pétanque de Grenoble, le Club plongée de Grenoble, ou même le Badminton Club de Grenoble. D’autres osent le mélange de symboles accrochant sous le câble une noix entre deux bulles. Reconnaissons qu’avec la SNCF, c’est possible. Des vitrines entières de tasses, théières, beurriers, salières… à l’effigie des bulles se dénichent ici et là dans de ville. Plus loin, un bar renverse ses verres-ballon et les transforme allégoriquement en téléphér-hic ! Même, les plus rebelles, ceux qui pendant le sommeil des citoyens taguent, graffent, décorent la ville, ne peuvent pas s’empêcher de représenter les bulles, ici sur un mur ou là sur un panneau de signalisation… Personne n’y échappe… Autant de bulles à chaque coin de rue, ce n’est plus une ville que nous habitons mais une écume de ville !

Les bulles dans la ville de Grenoble, en 2024.

Problème de couple

Quand on parle de problème de couple dans un téléphérique, c’est généralement pour évoquer un défaut mécanique, un manque de puissance, un problème de motorisation. Mais, un article daté du 18 août 1947 dans Les Allobroges, nous relate un problème bien plus humain. Ainsi M. LEVEQUE, alors cabinier, raconte avoir assisté à une scène très déplaisante durant laquelle un jeune homme aurait menacé sa jeune épouse (ils étaient mariés depuis huit jours) de la défénestrer depuis la cabine. Si l’anecdote nous apprend peu de choses sur la nature humaine, en revanche, elle nous permet d’en savoir un peu plus sur le téléphérique qui ne possédait pas de vitre. Ou, plus précisément, les vitres étaient déposées l’été et réinstallées l’hiver.

Plus réjouissante est notre seconde histoire de couple qui fut conseillé, de la meilleure des manières, par une psychologue grenobloise. Ce couple était peut-être à la limite du déraillement, ils n’avaient pas encore pété un câble mais ils n’arrivaient plus à atteindre les sommets. Ils ne savaient plus dire ce qui était porteur ou tracteur dans leur vie de couple. Ils avaient l’impression d’être tous les deux assis sur un quai à attendre que quelque chose se passe. Tous les paysages leur apparaissaient mornes et plats. Comment remettre du pétillant dans cette vie commune ? Pétillant ! Mais oui, ce qu’il vous faut, c’est des bulles ! Prescription : Habillez-vous en tenue de soirée, une belle robe, un beau costume, des souliers vernis, munissez-vous d’une bouteille de champagne, montez à pied à la Bastille en vous tenant par la main, arrivés en haut, buvez le champagne (surtout pas de verres en plastique !) et redescendez en Bulles. Grisés par le champagne, transportés par les Bulles, le vertige amoureux est revenu au sein du couple et les paysages de la passion se sont réouverts.

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Anecdotes 90 ans – Bien entouré pour célébrer ses 90 ans

9 septembre 2024
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En septembre, nous remercions et mettons en lumière les partenaires des 90 ans du téléphérique.

POMA, GEG, Cabinet ERIC… des entreprises locales qui elles aussi, comme tous les grenoblois, ont un rapport tout particulier avec le téléphérique.

Une dernière volonté en rouge et or

1934 est décidément une année importante pour les remontées mécaniques, et pas seulement parce que c’est l’année de naissance de notre téléphérique. 1934 est aussi l’année des 29 ans d’un jeune ingénieur : Jean POMAGALSKI, qui invente, à l’Alpe d’Huez, le premier « monte-pente ». Le brevet d’invention du téléski sera déposé en 1936 et la société Jean POLMAGALSKI créée juste après-guerre, en 1946.

Inutile de développer ici, l’épopée industrielle de l’entreprise dont les premiers ateliers s’installent à Fontaine. En revanche, nous serons intéressés d’apprendre que trente ans plus tard, en 1976, l’entreprise Poma est le maître d’œuvre du téléphérique actuel.

Quant à Jean POMAGALSKI il décède le 9 juillet 1969, à Grenoble. 69 ! Comme par un fait exprès, le seul nombre qui fait un aller-retour !

On raconte, dans sa famille, que l’une de ces dernières volontés fut de demander à orienter son lit de manière à voir le Téléphérique de Grenoble faire ses allers et retours incessants. Un téléphérique rouge et or, s’évanouissant dans la lumière de l’été 69, transportant deux dauphins vers le sommet de la montagne fut peut-être la dernière vision de ce pionnier des remontées mécaniques. À chacun sa lumière au bout du tunnel.

Jean POLMAGALSKI  – ©POMA

On joue avec le gaz !

S’il est toujours péjoratif de désigner un projet – ou une installation – par le terme de « machine à gaz », nous revendiquons cette appellation pour définir notre métier. Oui, nous sommes une machine à gaz ! Pour vous en convaincre, il suffit de demander à n’importe quel passager pris de vertige la sensation qui le saisit lorsque les bulles s’envolent au-dessus du vide ? (Les néophytes, montagnards et alpinistes désignent le vide par le mot gaz).

Nous sommes donc une machine à gaz qui fonctionne à l’électricité ! C’est dire si notre fournisseur, GEG (Gaz et Electricité de Grenoble), s’est presque imposé à nous.

Quant à cette traversée multi-quotidienne du « gaz grenoblois » combien dépense-t-elle d’électricité ? En 2023, cette consommation a été équivalente à trois jours de production de la centrale hydroélectrique GEG de Frédet-Bergès, située à Villard-Bonnot, soit 116 503 kWh. Pour être encore plus clair, en un an d’exploitation, nous ne consommons pas plus que 47 familles grenobloises.

Centrale hydroélectrique GEG de Frédet-Bergès – ©GEG

Mais qui est ERIC ?

Si vous avez vu Pulp Fiction, le film de Quentin TARENTINO, vous vous souvenez peut-être de ce personnage, Winston Wolf et de sa célèbre réplique : « Je suis Winston Wolf, je résous les problèmes ». Si un trajet doit se faire en ½ heure, Winston Wolf sera là en 9 minutes et 37 secondes !

Au Téléphérique de Grenoble, Winston Wolf s’appelle ERIC et doit apparaître comme un personnage bien mystérieux à chaque nouveau salarié de la Régie du Téléphérique. Un bruit bizarre ? On appelle ERIC ! Un comportement mécanique étrange ? Demande à ERIC ! Un automate de pilotage donne un message d’alerte ? ERIC ! Besoin de refaire une pièce ? Les plans sont chez ERIC ! En 2024, cela fera 46 ans qu’ERIC accompagne le téléphérique dans sa vie quotidienne.

Mais qui est ERIC ? C’est un cabinet d’études dont l’acronyme se lit de la façon suivante : Etudes et Réalisations d’Installations à Câbles. Tout est dit, E.R.I.C. est une équipe d’ingénieurs conseils pour le transport par câble. Ainsi, si non seulement le cabinet résous les problèmes, E.R.I.C. est surtout le Technicien d’Inspection Annuelle et l’opérateur chargé du suivi des Grandes Inspections Permanentes. Ainsi, suite aux travaux de janvier, c’est toujours le cabinet E.R.I.C. qui donne (ou refuse) l’autorisation d’exploitation pour l’année à venir.

Enfin, ce portrait d’E.R.I.C. ne saurait être complet sans adresser un clin d’œil à son fondateur Pierre CLAVEL qui, en 1976, était salarié du cabinet Denis CREISSELS, « l’inventeur » des bulles. C’est d’ailleurs Pierre CLAVEL qui voulait que les bulles, en sortant de la station motrice, donnent l’impression de bulles de champagne s’échappant du goulot d’une bouteille.

Alors soyons un peu gaulois et osons le clamer : quel « As cet’ERIC » !

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Anecdotes 90 ans – Dans la famille téléphérique, je voudrais…

2 août 2024
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En août, intéressons-nous aux autres téléphériques ayant gravi les pentes de la Bastille !

Mais ce n’est pas tout, nous allons également découvrir les grandes instances de la Famille Téléphérique…

Premier téléphérique urbain au monde

Des téléphériques pour transporter du matériel, il en existe depuis que l’homme à penser à se servir d’une corde pour franchir un obstacle. Autant dire, depuis la nuit des temps ! Des téléphériques pour transporter des touristes avides de paysages ou de sensations, il en existe depuis peu après l’invention du câble en acier. La plupart du temps ces téléphériques sont installés en montagne, et c’est ce qui démarque Grenoble de toutes les autres remontées mécaniques : ici nous avons un téléphérique urbain depuis 1934. C’est ainsi que Grenoble est la première ville au monde à disposer d’une gare de téléphérique au départ du centre-ville. Alors, Grenoble, premier téléphérique urbain au monde ? Oui… Enfin oui, mais après Rio de Janeiro et Cape Town… On est les troisièmes quand même !

Au Mont Jalla, le premier téléphérique industriel du monde et à force gravitationnelle !

En arrivant en haut du téléphérique, depuis la terrasse des géologues, en tournant le dos à Grenoble, on aperçoit nettement quelques ruines sur le Mont Jalla. Il s’agit des ruines de l’ancienne cimenterie de la Société des Ciments de la Porte de France dont les carrières sont situées dans les flancs du Mont Jalla. 46 galeries, réparties sur une vingtaine d’étages permettent l’exploitation de ce calcaire d’excellente qualité. Un problème se pose cependant : une falaise de plus de 300 mètres interdit un acheminement facile des pierres vers les fours situés dans la vallée, à Saint-Martin-le-Vinoux. C’est ainsi qu’en 1874 est installé sur les pentes du Mont Jalla ce qui semble être le premier téléphérique industriel du monde. En effet, ce téléphérique bénéficie des dernières avancées technologiques concernant les câbles en acier, il était jusqu’alors impossible de fabriquer un câble d’une portée supérieure à 300 mètres et les charges maximum ne dépassaient pas 400 kilogrammes. Ce nouveau téléphérique explosera tous les records avec un câble de 600 mètres supportant des charges de 1000 kilogrammes.

Enfin, ce qui pourra nous sembler encore plus étonnant est l’absence de moteur. Puisque qu’il s’agit de descendre des charges lourdes et de remonter des wagonnets vides, la simple force de gravité suffit à donner le mouvement. Si l’on voulait faire les malins, on pourrait s’inventer le terme de « téléphérique à force gravitationnelle », mais les techniciens et ingénieurs préfèrent parler de « câble automoteur ». Quoiqu’il en soit, avec une vitesse de 6 mètres par seconde, ce téléphérique acheminera entre 120 et 150 tonnes de matière par jour. Il est tellement fiable que l’année suivante, en 1875, un deuxième téléphérique identique est construit parallèlement au premier et il n’est pas rare de voir du personnel monter dans les wagonnets pour faire le trajet, malgré l’interdiction de s’en servir à cet usage.

Finalement, cette histoire, ou plutôt cette technologie sans moteur, nous enseigne qu’un téléphérique est relativement sobre en énergie. Ainsi, pourrions-nous imaginer l’expérience suivante sur notre téléphérique : deux hommes un peu costauds arriveraient à faire tourner le disque de frein et seraient donc capables, par leur seule énergie musculaire, de faire rentrer les cabines en gare.

Gravure représentant la gare amont en activité.

Vestige de la gare amont aujourd’hui.

Le(s) téléphérique(s) de la Grande Muette

En 1934, le Téléphérique de Grenoble ouvre au public. Mais est-il bien le premier équipement à rejoindre le fort au départ de la ville ? Non, car ce serait oublier les militaires du Fort de la Bastille. Ces derniers ont besoin de se ravitailler, en matériaux, en vivres, en munitions, et selon les circonstances, le plus rapidement possible. Un téléphérique s’impose.

Ainsi, restent sur les pentes de la Bastille les vestiges d’un téléphérique dont la gare de départ se trouvait vers la porte Saint-Laurent et la gare supérieure, du côté de l’entrée Est du fort.

Mais peut-être encore plus étonnant, on ne sait pas trop combien de téléphériques permettaient de rejoindre le fort, il y en avait peut-être un deuxième. En effet, sur une photo de 1937, on aperçoit assez nettement, dépassant de la végétation, la tête d’un pylône d’une remontée mécanique. Son emplacement nous laisse en pleine perplexité, il semble un peu trop décalé pour être le pylône de ligne du téléphérique de « Saint-Laurent ». Mais est-ce un effet de la photo ? Est-il simplement un pylône de ce téléphérique, dont nous connaissons les vestiges, ou le témoin d’un deuxième téléphérique ? Quoiqu’il en soit, l’armée, fidèle à sa réputation de Grande Muette, ne nous a pas laissé d’archives au sujet d’aucun de ce(s) téléphérique(s). Tout au plus savons-nous qu’en 1934, les bâtisseurs de notre téléphérique ont demandé à l’armée l’autorisation d’utiliser le téléphérique militaire pour acheminer les matériaux de construction. Autorisation refusée au motif que cet appareil devait être démonté pour être remonté ailleurs dans les Alpes. Cette opération de démontage-remontage n’avait d’ailleurs pas d’autres finalités stratégiques que l’entrainement des soldats.

Alors, un ou deux téléphériques militaires sur les pentes de la Bastille ? La question reste ouverte et se pose comme un défi aux historiens et aux farfouilleurs d’archives !

 Le pylône mystère

Sécurité maximale

Vous n’êtes jamais autant en sécurité que lorsque vous êtes à bord d’un téléphérique ! Le fait est indiscutable et les chiffres le prouvent. La vérification se fait en quelques clics seulement, en se rendant sur le site internet du Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés (STRMTG). Ainsi apprendrez-vous qu’en 2023, les remontées mécaniques du territoire français ont transporté 546 millions de passagers et ne déplorent que 27 victimes d’accident dont, hélas, un décès. Vous avez donc plus de risques de mourir piqué par une guêpe (15 cas par an en France) qu’en empruntant un téléphérique !

Il faut dire que les remontées mécaniques (téléphériques, télécabines, télésièges, téléskis, tapis roulants…) sont sous le contrôle permanent et très strict du STRMTG. Ce service dépendant directement du Ministère des Transports est notamment chargé des missions de contrôle relatives à la sécurité des passagers. Deux fois par an, le téléphérique doit apporter la preuve de son entretien dans le respect de son Règlement de Sécurité et d’Exploitation. Et comme il est bien sûr impensable de négocier quoi que ce soit avec les contrôleurs, ces derniers ont l’obligation professionnelle d’informer sans délais leur direction à la moindre tentative de pression exercée par un tiers.

Enfin, si vous ne serez pas étonné d’apprendre que le téléphérique de l’Aiguille du Midi est contrôlé par le STRMTG, vous serez peut-être plus surpris en découvrant que le RER, le tramway de Strasbourg ou encore le Train Jaune des Pyrénées, le sont également. Ainsi, si le siège social est à Saint-Martin-d’Hères, le STRMTG possède des bureaux partout en France et emploie environ 120 personnes. Reste que le Téléphérique de Grenoble est la remontée mécanique la plus proche de son siège social et surtout que notre téléphérique a servi de « terrain » pour élaborer le référentiel de contrôle des autres téléphériques de France. C’est dire si l’on se connaît bien !

Vous êtes bien urbain !

Prendre le Téléphérique de Grenoble chaussures de ski aux pieds et skis sur l’épaule ça arrive, mais c’est toujours l’œuvre d’un plaisantin. En général, le geste provient d’un étudiant à l’esprit ironique s’amusant de l’impossibilité de descendre de la Bastille avec des skis. Arrivé au sommet, le jeu consiste à prendre l’air benêt de celui qui s’est trompé (dans le meilleur des cas), voire de celui qui a été abusé par une soi-disant publicité mensongère. Il est vrai que, pour une grande majorité de la population, le téléphérique est d’abord une machine permettant de rejoindre un domaine skiable. Un téléphérique urbain peut donc apparaître incongru.

Nous pardonnons naturellement cette généralisation en nous plaçant volontiers du côté des rieurs, d’autant que le Téléphérique de Grenoble adhère au syndicat professionnel, fédérant la quasi-totalité des opérateurs des remontées mécaniques en France, dont le nom est : Domaines Skiables de France (DSF), anciennement Syndicat National des Téléphériques de France (SNTF) ! Expliquer ici le rôle de DSF serait long et fastidieux, retenons que son champ d’action va de la formation à la protection juridique, en passant bien sûr – et toujours – par la sécurité.

Reste que gérer un téléphérique urbain suppose des contraintes différentes de celles d’une remontée mécanique de station de ski. Les passagers ont d’autres attentes, la période d’ouverture est de 11 mois sur 12 (il y a 1 mois de fermeture obligatoire pour l’entretien), l’amplitude horaire est très élargie, etc.

C’est donc en 2020 qu’une nouvelle section de DSF a été créée : UTI pour transports Urbains Touristiques et Industriels. Le Téléphérique de Grenoble s’est ainsi trouvé plusieurs cousins comme le Téléphérique du Mont Faron à Toulon, le Téléphérique du Pic du Midi, le Téléphérique du Salève, celui du zoo de Beauval et d’autres encore.

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Anecdotes 90 ans – Bichonnage au quotidien

15 juillet 2024
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Dans l’article de blog du mois, intéressons-nous à l’entretien quotidien du téléphérique à travers les anecdotes 51 à 55.

Sur une semaine d’été, l’entretien représente 13h45 de contrôle avant ouverture et 24h30 de maintenance à l’atelier, de quoi se sentir en sécurité !

L’atelier suspendu

L’essentiel de l’entretien du téléphérique est réalisé en interne, par l’équipe des mécaniciens. Ils sont de cette espèce d’hommes pour lesquels un problème technique et un défi amusant. Ainsi, ils réparent, solutionnent font appel à leur savoir-faire et connaissances, toujours avec astuce et intelligence. C’est qu’œuvrer à faire fonctionner une machine vieille de 90 ans, n’est pas anodin. Plusieurs générations de mécaniciens se sont succédées et ont transmis non-seulement leurs connaissances, mais surtout leur exigence, voire un attachement profond à cet emblème grenoblois. Aujourd’hui, l’atelier est aménagé en dessous de la gare d’arrivée, mais jusqu’en 1976 (date de naissance des bulles), l’atelier était installé dans la passerelle qui enjambait le quai. Là, suspendus au-dessus des voitures et des piétons se trouvait tout le matériel, outils et machines-outils nécessaire à la bonne marche du téléphérique. En 2024, c’est toujours sur le même établi (désormais en haut) que les mécaniciens se penchent. La perceuse à colonne et le touret à meuler continuent, eux aussi, de bravement remplir leur office.

L’atelier dans la passerelle de la gare inférieure, avant 1976. ©RTGB

L’atelier sous le quai de la gare supérieure, depuis 1976. ©Marc Vazart

Les Bulles de Thésée

Le paradoxe de Thésée est une expérience de pensée philosophique selon laquelle un bateau (celui de Thésée) ayant navigué longuement, voyait ses bois se briser ou pourrir et devaient être remplacés à mesure du voyage. Ayant achevé son périple, le navire revenant au port n’avait plus un seul morceau du navire qui en était parti. Les philosophes s’interrogèrent alors : était-ce toujours le même ou était-ce un bateau différent ?

Et qu’en est-il de nos bulles ? Dès qu’une bulle atteint 12 000 heures de voyage, elle est retirée de la ligne, emmené au Vestibulle, où elle attend quelques années avant de rejoindre l’atelier dans lequel sa transformation mécanico-philosophique commence. Elle est alors entièrement démontée ! Ne reste d’elle que six arcs de cercle en aluminium. Ce n’est plus une bulle, mais l’idée d’une bulle. Toutes les pièces de sécurité et les vitres en plexiglass sont changées, toutes les autres pièces sont contrôlées, vérifiées, inspectées et, le cas échéant, changées elles aussi. Et même si les sièges restent les mêmes, ils sont rénovés, revernis. Donc, sachant que nous possédons 16 bulles qu’il y en a toujours eu au minimum 8 et au maximum 12 bulles en ligne, on peut dire que chaque bulle a été démontée et « rénovée » environ 6 fois depuis 1976. Sont-ce toujours les mêmes bulles ?

Bien sûr, cette rénovation (150 heures de travail, réalisées entièrement en interne, et dans l’atelier se situant au rez-de-chaussée de la gare du haut) commence par un désossage complet de la bulle, avec cet instant particulier où le plancher est retiré. Ici, c’est un plaisir enfantin qui nous attend à la découverte de ces petits objets qui, s’échappant des mains des passagers, se sont glissés sous leurs pieds, disparaissant dans la fente séparant le plancher de la paroi de la bulle. Enfin, certains voyageurs, un peu plus informés que d’autres, utilisent nos bulles comme des capsules temporelles et parfois nous glissent, soigneusement pliés sur une petite feuille, un message, un poème ou un dessin.

Vestibulle. ©Marc Vazart

Bulle sur le chemin de l’atelier. ©Théo Lalliot

« Grande visite » d’une bulle, en 2014. ©RTGB

Changement de bulle, en 2024. ©RTGB

Chronique d’un câble porteur

Visible depuis presque tous les quartiers de Grenoble, le Téléphérique de Grenoble est idéalement placé. Ainsi, nombreux sont les grenoblois qui gardent un œil attendri sur cette machine à grimper la Bastille. Les habitants sont tellement accoutumés à voir les cabines monter et descendre que le moindre comportement inhabituel suscite toutes les interrogations.

Or, en ce début août 1967, le téléphérique fonctionne de manière très particulière : toujours au même endroit, à la montée comme à la descente, le téléphérique ralentit très visiblement, il se met presque à l’arrêt. Comme s’il y avait un obstacle sur la ligne, un quelque chose qui empêcherait de passer à vitesse normale et obligerait à multiplier l’attention. Les plus curieux, ou les plus attentifs, auront également remarqué que la cabine de gauche embarque tantôt ses 20 passagers habituels, tantôt ne prend que la moitié de sa charge et tantôt voyage à vide. Ces étranges cabines suspendues dans le vide produisent un effet psychologiquement néfaste et le 11 août 1967, la décision est prise de fermer le téléphérique. Quatre jours et quelques brasures plus tard, le téléphérique retrouvera sa marche normale.

Le problème provenait du câble porteur gauche, après une habituelle visite de ligne, le technicien constate qu’un des fils d’acier du câble porteur est cassé. En soi, c’est un incident assez bénin, mais le câble doit être réparé. Rien d’exceptionnel, il suffit de faire une brasure (sorte de soudure) puis de mettre le câble sous surveillance renforcée. L’exploitation peut reprendre avec une charge moins lourde et en marquant un ralentissement au passage réparé. Prudence et surveillance.

Le problème se corse quand on découvre, deux jours plus tard, que la brasure a cédé ainsi qu’un deuxième fil à ses côtés. Les deux brasures sont immédiatement refaites, la fréquence des contrôles sensiblement augmentée et… les deux brasures cassent à nouveau. La suite serait un peu fastidieuse à raconter, on installe des colliers, puis des frettes sur une longueur de 15 centimètres, mais rien n’y fait, toutes les réparations donnent des signes de défaillance. Finalement, c’est un spécialiste de la câblerie de Bourg-en-Bresse qui viendra remplacer les fils d’acier fragilisés, sur une longueur d’un mètre. Et l’exploitation reprendra en marche normale.

L’histoire se termine par le changement complet des deux câbles, les futurs Jeux Olympiques de Grenoble fournissant une parfaite occasion pour cette dépense nécessaire de 45 000 francs.
Cette petite chronique d’un câble est exemplaire du soin et de l’attention accordée quotidiennement à la sécurité. Aujourd’hui, en 2024, c’est toujours les même deux câbles porteurs qui sont en service. Oui, vous avez bien comptés, ils ont 57 ans et ne montrent aucun signe de faiblesse. Pour les protéger de la rouille, ils sont graissés toutes les semaines et inspectés deux fois par mois.

« Merci pour cette conduite exemplaire »

Deux fois par mois, au petit matin, bien avant l’ouverture au public et quelle que soit la météo, il est possible d’assister à un bien étrange voyage : les deux passagers de ce convoi sont debout, sur une bulle comme deux cosmonautes solidement ancrés à une petite planète. Survolant le Fort de la Bastille, les toits de la ville, l’Isère, il y a presque du St Exupéry dans cette image matinale. Ils ne sont ni allumeurs de réverbères, ni astronomes turcs mais contrôleurs de fil d’acier.

Debout sur leur astéroïde, ils font ce qu’ils appellent la visite de ligne car ce voyage aérien n’a qu’un objectif : contrôler l’état des câbles. Nos cosmonautes, tous les deux employés par la régie du téléphérique, connaissent les câbles par cœur, aucun point singulier ne leur est inconnu. Ici, une zone de flexion alternée – drôle de gymnastique du câble en entrée et sortie de sabot – sur laquelle il faut s’arrêter pour parfaire le graissage, un peu plus loin c’est un galet qui chante faux qui tique un peu et qu’il faudra retoquer à la prochaine visite. Et puis parfois, ce drôle d’équipage accoste au pylône, quitte les cinq petites planètes qui continuent seules leur circumnavigation, abandonnant ici nos fil-de-ferologues. Seuls, naufragés volontaires sur cette tour d’acier et dans le silence de l’aube, ils écoutent la chanson des poulies et du câble. L’harmonie règne, absence d’anomalie manifeste. Puis la constellation des bulles se rapproche à nouveau, s’aligne au pylône et attend d’être repeuplée avant de reprendre son voyage ascensionnel.

Aventure délicatement manœuvrée depuis la gare motrice par le maître de la rotation des planètes, sans cesse attentif à ne pas faire d’à-coup. Ce voyage prendra fin lorsque surgissant de la radio, la voix du cosmonaute en chef dira : « merci pour cette conduite exemplaire ».

Deux semaines plus tard ce phénomène stellaire reviendra, cycle immuable, garantie d’un destin paisible et confortable pour les futurs milliers de passagers des bulles.

Visite de ligne par Yves et Thibaut, en 2014. ©RTGB

Des hommes de qualité

« Mais tu m’emm… ! », voilà comment le représentant du BDARM (Bureau Départemental des Appareils de Remontées Mécaniques) a été accueilli par le directeur du téléphérique de l’époque (Michel Lambert) lorsqu’il est venu avec le projet de lancer le processus de certification ISO 9001. « Mais tu m’emm… ! Tu ne crois tout de même pas que j’vais me faire ch… avec de la paperasse en plus ! ». Sauf que Mister BDARM (Jean Joubert) a des arguments. Et ce ne sont pas les arguments classiques (processus d’amélioration continu, amélioration de la satisfaction du client, amélioration de l’activité commerciale, etc.) qui vont convaincre Lambert de s’essayer à l’expérience. C’est plutôt l’esprit pionnier du directeur qui va être titillé, chatouillé avec habilité : d’abord, c’est expérimental, si ça ne marche pas, on arrête tout et voilà. Mais surtout, c’est tout nouveau, c’est moderne, aucune remontée mécanique en France n’a la certification ISO 9001. Tu serais le premier, avec l’Alpe d’Huez et Gresse-en-Vercors. Premier ? Expérience ? OK ! Et voilà comment le Téléphérique de Grenoble, en devenant un des trois premiers exploitants de remontées mécaniques à être certifiés, a tracé une nouvelle piste qui sera suivie par la majorité des autres domaines skiables de France.

Aujourd’hui en 2024, la certification est devenue centrale dans la vie quotidienne du téléphérique. En effet, c’est grâce à cette certification que la totalité des opérations d’entretien et de maintenance peuvent être réalisées en interne, par l’équipe de mécaniciens. Sans certification, il faudrait sans cesse avoir recours à des prestataires extérieurs.

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Anecdotes 90 ans – Le téléphérique dans tous ses états

18 juin 2024
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Dans l’article de blog du mois, découvrez à travers les anecdotes 46 à 50, toutes les facettes les plus insolites du téléphérique de Grenoble !

Tour de France, funambules, couleurs… le téléphérique n’a pas fini de vous surprendre !

Les Bulles et le Tour !

Il n’est pas sûr que ce soit la vérité, mais il paraît que toute petite, Patricia GALLOIS, aujourd’hui directrice de la Régie du Téléphérique, exigeait de ses parents qu’ils lui achètent ce jouet pour fabriquer des bulles de savon. Obsession bien particulière puisque l’enfant essayait à chaque fois de souffler cinq bulles d’un coup et surtout jamais six. Selon la fillette, six risquaient de porter malheur… Bref, l’enfant est rêveuse et possède une façon assez unique de jouer au téléphérique. C’est ainsi que, quand elle s’est vue recrutée pour prendre la direction du téléphérique de la Bastille, toutes les bulles de sa vie se sont alignées. Harmonie ! D’autant que la fillette avait grandi, savait désormais parfaitement compter et avait ajouté à son caractère déjà bien trempé une bonne dose d’audace. Créativité, imagination et détermination sont peut-être le carburant de son dynamisme inépuisable. Ainsi, diriger le téléphérique, c’est bien ; s’assurer que tout se fait dans les règles de sécurité, c’est bien ; compter juste pour assurer l’avenir, c’est bien ! Ne reste plus qu’à faire savoir au monde entier que le téléphérique existe, et pour cela Patricia ne manque pas d’idées.

Ainsi va-t-elle profiter de ce moment médiatique où toutes les caméras du monde sont braquées vers Grenoble : le Tour de France 2020. Quand Patricia comprend que le peloton passera au pied de la gare, son sang s’est soudainement oxygéné et des bulles supplémentaires lui sont montées au cerveau. Elle s’est alors exclamée : « on va accrocher trois cyclistes sous les bulles ! ». Branle-bas de combat dans l’équipe, on trouve les baudriers, le système d’attache pour que tout se fasse en sécurité (Patricia ne négocie jamais avec la sécurité), les costumes (maillot jaune, maillot à pois et maillot vert) et il ne fut pas si difficile de trouver des candidats pour pédaler dans les airs. Arthur, Arthur et Clément (par discrétion, nous ne dirons pas lequel des deux Arthur est le fils de Patricia) rêvent encore de ce moment où jamais le peloton ne les a rattrapés. Quoiqu’il en soit, opération réussie, l’image prise depuis l’hélicoptère du Tour de France a fait le tour du monde.

Passage du Tour de France sous le téléphérique, en 2020.

Un pète au casque

Que se passe-t-il dans la tête d’un funambule quand il regarde un téléphérique ? Simple, il ne voit que le câble et veut monter à pied en marchant dessus.

Le premier sera le funambule Henry’s (Henri Réchatin), le 28 septembre 1981. L’homme est bien connu pour ses exploits, notamment en 1973, où il a passé six mois sur un fil sans en descendre. Quand il arrive à la Bastille, on lui prépare le téléphérique : Henry’s marchera sur le câble porteur, les bulles qui le précéderont de 50 centimètres en roulant à sa vitesse. Un chariot de sécurité est aménagé sur le toit de la bulle aval et permettra au funambule d’éventuellement prendre un peu de repos en cas de tétanisation des muscles. Enfin, pendant toute l’ascension, Paul Erié (le chef d’exploitation) s’occupe de dégraisser le câble juste avant que le funambule n’y pose son pied. L’ascension commence, tout se passe bien, mais plus l’homme s’approche du pylône et plus la pente est raide (42%). C’est ainsi qu’un peu avant le pylône, par épuisement d’un mollet, Henry’s préfère s’arrêter.

Le second funambule est aussi une célébrité : Freddy Nock, recordman en 1998 de la plus grande distance parcouru (734 mètres) sur le câble du téléphérique de St Moritz. Les 700 mètres de notre téléphérique ne devraient pas trop lui poser de problème. Mais c’est sans compter sur les facéties de la météo de notre vallée, un peu trop de vent, quelques gouttes de pluie, et pour cette première tentative du 14 septembre 2001, Freddy Nock doit, après quelques pas sur le câble, rebrousser chemin. Qu’importe, il reviendra en découdre avec notre fil le 26 septembre. Cette fois le temps est sec et le vent inexistant. Le personnel de la Régie du Téléphérique est prêt, le câble est dégraissé, les bulles sont équipées du panier de service, mais Freddy Nock n’a pas voulu du chariot de sécurité. D’ailleurs, les bulles le précéderont de plusieurs mètres, c’est mieux pour les photos. La Régie a accordé son autorisation à une condition : s’arrêter au pylône, on se souvient des difficultés d’Henry’s et personne ne veut risquer l’accident. Cependant, quand l’équilibriste pose ses pieds sur le câble, il est en colère car il vient d’apprendre que, 20 ans plus tôt, Henry’s avait déjà affronté le vide de la Bastille ! Il n’est donc pas le premier, et c’est furieux qu’il s’élance dans l’ascension. Au pylône, un pompier du GRIMP l’attend pour l’aider à quitter le câble en toute sécurité, mais Freddy Nock veut sa première place, et contre toute attente, il force le passage et continue l’ascension. En arrivant à proximité de la gare, Freddy Nock termine les derniers mètres en courant, établissant ainsi le record à battre, 34 minutes d’ascension. Le pompier en fonction au pylône racontera ensuite avoir pris un coup de perche sur le casque quand le funambule a « forcé » le passage.

Henry’s le funambule, en 1981.

Freddy Nock le funambule, en 2001.

En forme olympique pour les noces de granit !

Il y a deux façons de savoir si l’on est à Grenoble. La première est stendhalienne, chacun connaît la phrase de l’auteur : « Au bout de chaque rue, une montagne ». Et la seconde consiste à regarder les vitrines : « Dans chaque boutique, le téléphérique ». Et c’est une sorte de responsabilité de porter cette image, d’être l’emblème, le symbole, voir le blason de la ville.

Alors, depuis toujours, le téléphérique s’harmonise avec les grands événements qui font sens avec la ville. Par exemple, en 2022, Grenoble est capitale verte européenne, alors c’est tout simplement que la suspension de l’une des bulles devient verte. Ou encore, en 1968 pour les JO, les cabines arborent fièrement les 5 anneaux olympiques.

C’est d’ailleurs bien la combinaison de ces deux idées qui a donné à Patricia GALLOIS, la directrice, l’envie de donner aux cabines les couleurs de l’olympisme. Après tout, Grenoble est une ville olympique, on a déjà une bulle verte, les autres bulles sont rouges, ne reste plus qu’à peindre les trois autres en jaune, bleu et noir, et le téléphérique sera raccord avec les JO de Paris 2024.

Hélas, parfois les bonnes idées se heurtent à des intérêts qui nous échappent et le comité olympique a obstinément refusé le clin d’œil… Tant pis, le téléphérique n’aura pas de bulle noire mais une bulle grise qui se hissera sur le câble le 3 juin 2024. Ben oui, les 90 ans du téléphérique, c’est les noces granit !

Téléphérique décoré des anneaux olympiques, en 1968.

Train de bulles multicolores, en 2024.

Et vous, vous en voyez combien des bulles ?

Mais alors, il y en a combien des bulles ? On n’y comprend plus rien à votre téléphérique ! Un coup, il y en a 4, après il y en a 5, certaines personnes se souviennent d’en avoir vu 3 et d’autres prétendent avoir vu le téléphérique tourner avec seulement 2 bulles. La réponse pourrait être un peu ironique car le nombre de bulles annoncées par le locuteur est un indicateur de l’âge de ce dernier.
Explications :

  • Si vous avez vu 2 bulles, alors vous avez assisté aux essais en ligne de 1976. Nous sommes avant l’ouverture au public, toutes les bulles n’étaient pas encore livrées mais les réglages avaient déjà commencé. Remarquez que (voir photo ci-dessous), ces deux bulles sont espacées de manières à pouvoir loger entre elles une troisième bulle comme cela se fera lors de l’exploitation.
  • Vous avez vu 3 bulles, alors vous avez assisté aux tous débuts du téléphérique. A cette époque, ce sont 4 trains de 3 bulles qui voyagent. C’est beau, car, il y a toujours des bulles en ligne, mais cela ralentit trop le débit, le téléphérique devant freiner pour laisser les voyageurs descendre à chaque passage en gare.
  • Si vous avez vu parfois 4 bulles, parfois 5 bulles, alors vous avez regardé le téléphérique parfois en hiver (4 bulles), parfois en été (5 bulles). En effet, il n’y a encore pas si longtemps, afin d’économiser le matériel, on préférait déposer une bulle en période de moindre affluence.
  • Si, été comme hiver, vous avez toujours vu 5 bulles, alors vous êtes très jeune ! C’est en effet seulement depuis 2020 que, la fréquentation étant sans cesse en augmentation, il a été choisi de privilégier le confort des passagers pour ne pas les laisser attendre au froid.
  • Si vous avez vu 6 bulles, alors vous avez assisté à une manœuvre. Peut-être travaillez-vous au téléphérique et avez-vous participé à la manœuvre (en gare haute) consistant à ajouter une bulle avant de retirer celle qui doit partir en révision.
  • Si vous avez vu 7 bulles ou plus, alors, vous avez vu une photo truquée ! Ou vous avez bu trop de champagne ! Ou vous êtes un habile photographe qui a capté l’instant juste avant le croisement des 2 trains de bulles = 10 bulles !

Ainsi aujourd’hui, ce sont toujours 2 trains de 5 bulles qui voyagent, tandis qu’une bulle est en rénovation à l’atelier et que 5 autres attendent d’être rénovées. Bilan : 5 + 5 + 1 + 5 = 16 bulles au total, le compte est bon.

Bulles à vendre ?

Deux fois cinq bulles qui s’envolent toute la journée au-dessus de Grenoble et dont l’élégance légère attire tous les regards, fatalement ça stimule les publicitaires ! Mais soyons honnêtes, c’est nous qui avons commencé. En avril 1985, pour divertir les enfants, les bulles se sont transformées en œufs de Pâques. Opération suffisamment amusante pour être renouvelée régulièrement et susciter des envies marketing.

Cependant, si personne ne voit rien à redire à marquer le passage à l’an 2000, maquiller les bulles pour signaler un événement de la Maison de la Culture ou pour qu’elles ressemblent à des ballons de foot (GF38), c’est commencer à flirter avec une limite. Limite franchement dépassée quand POMA, IKEA ou la SAMSE placardant leurs noms en gros sur les bulles, s’imposent tant aux voyageurs qu’aux habitants. Peut-être fallait-il essayer pour s’apercevoir de la mauvaise idée ? Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, les bulles ne se décorent plus que pour une seule cause, soutenir le Sidaction.

Œufs de Pâques, en 1985.

Passage à l’an 2000.

Campagne POMA, en 2012.

Ruban Sidaction, en 2018.
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Anecdotes 90 ans – La mécanique du téléphérique

3 juin 2024
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logo Téléphérique 90 ans

Dans l’article de blog du mois, découvrez à travers les anecdotes 34 à 45, les rouages du téléphérique de Grenoble. Contrepoids, câbles, moteur, poulies… Des pièces essentielles au bon fonctionnement du téléphérique !

Une technologie unique au monde à cause des enfants

Un téléphérique, ça fonctionne toujours de la même façon : la cabine de gauche monte et descend sur le câble porteur de gauche, et celle de droite sur le câble de droite. C’est comme ça pour tous les téléphériques du monde, sauf pour celui de Grenoble qui a changé de mode de fonctionnement en 1976, passant d’un système à va-et-vient, à un système à rotation continue. Autrement dit, les bulles montent toujours sur le câble porteur de droite et redescendent sur celui de gauche. En gare, les bulles doivent donc quitter le câble, passer sur un rail, avant de remonter sur l’autre câble. C’est un système beaucoup plus compliqué à construire. Ainsi, à l’exception du téléphérique de La Grave, le téléphérique de Grenoble est le seul au monde à utiliser ce système.

Mais alors pourquoi se compliquer la vie ? On voudrait qu’il y ait une raison économique, cela permettrait un meilleur débit, plus de passagers à l’heure. Mais non, la performance du téléphérique n’a pas été augmentée et même au contraire. Lors des premiers mois d’exploitation des bulles, le débit était moindre parce qu’il y avait 4 trains de 3 cabines, ce qui obligeait à ralentir le téléphérique deux fois plus souvent afin de laisser les passagers monter et descendre des bulles. Un enfant aurait réussi le calcul sans se fatiguer : deux fois plus d’arrêts en gare donne une vitesse moyenne fortement ralentie.

Alors, pourquoi avoir choisi ce système à rotation continue ? À cause des enfants justement ! Ou plutôt, pour faire plaisir aux enfants ! Le concepteur des bulles, Denis Creissel, ne supporte pas l’attitude de certains adultes qui ont l’indélicatesse de ne pas laisser les enfants s’approcher des fenêtres pour profiter, eux-aussi, du paysage. Il faut qu’il trouve une solution et il se demande comment obliger tous les passagers à s’asseoir tout en les laissant admirer le paysage. Une bulle ! Une petite bulle avec 6 passagers maximum évitera les conflits et rétablira l’équilibre entre les adultes et les enfants. Hélas, un téléphérique qui ne transporterait que six passagers par voyage, ça fait peut-être plaisir aux enfants, mais c’est économiquement irrecevable. Qu’importe ! On mettra plusieurs bulles ! On fera des trains de bulles, jusqu’à cinq bulles, cela permettra de transporter trente voyageurs. Et le tour est joué ! L’idée est bonne, mais cinq bulles les unes derrières les autres, cela donne une bonne longueur. Il va falloir des quais d’embarquement capables d’accueillir cette procession de bulles et on n’a pas la place. Sauf si le quai est arrondi, circulaire. Voilà pourquoi, quand les bulles entrent en gare, elles s’enroulent autour de la poulie et passent gracieusement d’un câble à l’autre.

Bien sûr, nous exagérons un peu et les bulles ont aussi une raison esthétique, une raison technique (le téléphérique traverse une vallée assez ventée) et une raison économique : il n’est plus nécessaire d’embaucher un cabinier !

Dernière séance !

C’en est fini ! 15 janvier 1976, le système Bleichert à va-et-vient, en place depuis 1934, ferme ses portes. Dans quelques jours commencera le chantier de démolition nécessaire pour voir les bulles s’envoler au-dessus de l’Isère à partir du mois d’août. Ce n’est pas rien, c’est toute une mécanique, une histoire, des souvenirs qui s’en iront en poussière. Heureusement quelques employés, au sourire facétieux, pensent à immortaliser l’instant et photographient le dernier passager prêt à embarquer pour le dernier voyage. On reconnait sur la photo (de gauche à droite) Jacques Ruh, Michel Gallo (le dernier passager), Rocco Tricoli et Monsieur Breuil… Et puis, non loin de là (où exactement, nous ne le savons pas), se trouve un tout jeune homme commençant une collection qui occupera une vie entière. Yves Erié, pour ne pas le nommer, va systématiquement mettre de côté des vestiges de cette époque. Ici il sauve de la poubelle un bouton de marche-arrêt, là il dérobe un cadran de voltmètre, ailleurs il récupère les voyants du pupitre de commande, etc. et petit-à-petit, il devient la mémoire vivante du téléphérique.

Dernier voyage en va-et-vient, en 1976.

Porter et tracter : les deux mamelles d’un téléphérique

Savez-vous la différence en entre un téléphérique et une télécabine ? Comme un télésiège, une télécabine est monocâble, alors qu’un téléphérique possède un câble porteur et un câble tracteur. Les cabines roulent sur le câble porteur et sont mises en mouvement par le câble tracteur. Ainsi, même si nos bulles ressemblent aux œufs d’une télécabine, c’est bien d’un téléphérique dont il s’agit.

©Marc Vazart

Une machine longue de plusieurs milliers de mètres, ça n’existe pas ?

Pas de téléphérique sans câble ! Ce n’est pas tout-à-fait vrai car avant l’invention du câble en acier, des téléphériques existaient, mais suspendus à des cordes et servant surtout au transport de matériaux. Le câble en acier, plus solide, plus sûr, plus résistant, permettra l’essor des téléphériques de voyageurs et donc du tourisme de montagne.

Mais qu’est-ce qu’un câble ? Certains techniciens, avec un brin de malice et de poésie, l’œil pétillant, vous diront qu’un câble est une sorte de machine, c’est-à-dire un assemblage de pièces interagissant entre-elles, se transmettant des forces, de l’énergie au service d’un résultat attendu. Pour le résultat, chacun le connaît : transporter des voyageurs en toute sécurité. Mais un assemblage de pièces ? De quoi parle-t-on ? Eh bien, un câble est un assemblage de fil d’acier, certains câbles pouvant comprendre plusieurs centaines de fils ! Car l’unité de base est le fil, un fil en acier – presque un fil de fer – mais plus solide car possédant une haute teneur en carbone.

Prenons l’exemple du câble tracteur de notre téléphérique : il y a d’abord 1 petit fil d’acier de 2,5 mm de diamètre autour duquel s’enroulent 8 fils de 1,5 mm et, autour de ces 8 fils, s’entourent à nouveaux 8 fils de 2,85 mm. Cet ensemble de 17 fils forment un toron. Et le câble entier et composé de 6 torons soit 102 fils d’acier. Cependant ce scoubidou de fils, ces six torons ne s’entourent pas vraiment les uns sur les autres mais enroulent l’âme du câble, c’est-à-dire un fil épais (environ 1 cm de diamètre) en matière plastique. Et si aujourd’hui cette âme est en plastique, autrefois, les torons d’acier s’enroulaient autour d’une corde en chanvre. Bref, ce câble est une machine composée de 103 pièces.

Mais alors, la transmission de forces, l’énergie, c’est quoi l’histoire ? Eh bien, quand il y a du poids sur le câble, quand l’on tire dessus, quand il tourne autour de la poulie, quand il se relâche, quand il y a une accélération, bref dès qu’il y a un mouvement, tous ces fils glissent, s’ajustent, se frottent les uns contre les autres. Se frottent ! Mais alors, dites-vous, un peu affolés, si ça frotte, ça s’use ! Et si ça s’use, ça casse ! Et le technicien malicieux vous répondra que c’est précisément la fonction de la 103ème pièce : l’âme en plastique sert à éviter que les torons soient en contact les uns avec les autres, les maintenant ainsi à distance, il n’y plus de frottements et l’usure est minime. Enfin, s’il fallait rassurer le lecteur, tous les câbles du téléphérique sont sous contrôle permanent et l’état de chacun est connu au centimètre près.

Changement de câble porteur, en 1967.

Schéma de coupe d’un câble tracteur.

Qu’est-ce qui pèse 46 tonnes et qui est invisible depuis 1934 ?

Pour assurer la tension des câbles, la solution la plus simple et la plus efficace consiste à les tendre avec des contrepoids. Ainsi, à la Bastille, sous la gare du haut, protégés des intempéries, trois massifs énormes de béton assurent cette tension. Chaque câble porteur est tendu par un contrepoids de 46 tonnes et le câble tracteur par un contrepoids de 24,4 tonnes. En 1934, c’est l’entreprise de travaux publics Charles Milliat qui est chargée de la construction des gares et des contrepoids. En regardant ces contrepoids monumentaux, on devine l’ordre de fabrication : les contrepoids ont été faits en premier et la gare a été construite autour. Ainsi, en 1976, bien que l’on change de technologie, tous les calculs se feront en fonction du poids et de l’emplacement de ces trois poids lourds qu’il aurait été très difficile de changer.

C’est ainsi que, depuis 1934, à la manière d’une horloge normande, sous les effets des allers et retours des cabines, à chaque voyage, gracieuse et légère, une danse aérienne se chorégraphie dans les entrailles cachées du téléphérique. Quand la cabine de droite quitte la gare du bas, le contrepoids de droite s’élève doucement, tandis que celui de gauche se mettra en mouvement au passage au pylône de la cabine descendante. Voilà comment à longueur de journée, inlassablement et alternativement, quand le poids des cabines se fait ressentir sur les câbles, les deux fois 46 tonnes de béton s’envolent avec la grâce d’un souffle sur une plume. Depuis 90 ans, le téléphérique est l’horloge géante qui rythme secrètement la vie des grenoblois.


Les contrepoids, depuis 1934.©Marc Vazart.

Les deux grand-mères de 1934

Là-haut, au-dessus de la gare du haut, précisément au-dessus de la pièce où se trouve le technicien qui vend les tickets et s’assure de la sécurité et du confort des passagers, se trouve la salle des poulies. C’est dans cette salle qu’arrivent le câble tracteur et les deux câbles porteurs pour être reliés aux contrepoids, c’est donc dans cette salle que se trouvent les deux grand-mères (et sœurs jumelles) du téléphérique : les poulies de déviation. En fonte, elles servent à orienter le câble, à le faire passer de l’horizontale à la verticale en direction de la salle des contrepoids. Fondues et installées en 1934, elles n’ont pas bougé depuis, sauf en 2015 quand il a fallu changer les bagues en bronze avant de les remettre en place.


Une des deux poulies de déviation des câbles porteurs

Changement des bagues en bronze, en 2015

Le mystère de la poulie jaune

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi la poulie de la gare du bas est rouge alors que la poulie de la gare du haut et jaune ? Ou plutôt, pourquoi les deux poulies n’ont pas la même couleur ? Les plus mauvaises langues diront que c’est pour ne pas se tromper de gare et que c’est bien utile pour certains fêtards. Les plus instruits s’avanceront peut-être, l’air un peu condescendant, pour nous apprendre que réglementairement les pièces tournantes doivent être peintes de couleur jaune. C’est vrai, mais si c’était la seule raison, alors pourquoi la poulie de la gare du bas est peinte en rouge ? La réponse à cette dernière question est facile à donner, car une fois montées, chacun est libre de peindre ses pièces tournantes de la couleur qu’il veut, rouge, vert, bleu, jaune, mauve ou rose, peu importe ! Le jaune ne concerne que la sortie d’usine et le moment de la livraison. Et nous revoilà de nouveau face au mystère de la poulie jaune, on tourne en rond, on en voit de toutes les couleurs. C’est finalement Yves (l’ancien chef d’exploitation) qui nous apporte l’explication : c’est parce qu’en janvier 2010, au moment du changement de la poulie, celle-ci n’a pas été repeinte. Alors qu’Yves avait la main sur le pinceau prêt à s’élancer dans une folie rouge, l’ancien directeur (Michel Lambert) a surgi, et de sa gouaille habituelle s’est écrié : « C’est la même couleur que mon voilier ! Yves, vous n’y toucherez pas ».

Installation d’une nouvelle poulie motrice en gare supérieure, en 2010.

Visite guidée de la salle des machines en 1934

On se croirait presque dans l’antre secrète du méchant dans un film de James Bond. Pourtant nous sommes bien dans la salle des machines du téléphérique de la Bastille en 1934. L’escalier, en haut à droite, permet l’accès à la passerelle qui enjambe la route pour rejoindre la gare et son poste de commande. Au premier plan, trois moteurs. À droite, le moteur principal, au milieu, le moteur auxiliaire servant en cas de défaut du moteur principal. Ces deux moteurs sont électriques contrairement au moteur de secours (à gauche) qui est un moteur à essence (6 cylindres) et sert à pallier à une éventuelle coupure d’électricité.

Derrière les deux moteurs, sans capot, deux enchevêtrements quasi horlogers de pignons et d’engrenages, servant à la fois de réducteurs et de boites de vitesses. Et tout au fond, à la verticale, immense et majestueuse, la poulie motrice, celle qui donne le mouvement et la vitesse au câble tracteur. Derrière elle, plus modeste, la poulie auxiliaire, c’est-à-dire la poulie dédiée au câble tracteur auxiliaire (sorte de câble de secours).

Ne reste plus qu’à faire un tout petit effort d’imagination pour voir toute cette mécanique s’animer et regarder cette immense roue de 3 mètres de diamètre se mettre en rotation.

Aujourd’hui, la salle des machines, plus communément appelée machinerie, est toujours située au même endroit, juste en dessous du quai d’embarquement de la gare inférieure.


Machinerie, en 1934.
Machinerie, en 2024.

Les demi-dieux des remontées mécaniques

N’importe quel quidam ne peut pas conduire un téléphérique. Il faut pour cela détenir un CQP, Certificat de Qualification Professionnelle (code RNCP38035, Conducteur de Téléphérique, bi-câble, funiculaire et appareils similaires). Pour simplifier, on parle volontiers de permis de conduire et l’expression est assez juste à la différence que ne se présente pas qui veut à l’examen. Ainsi, avant même d’y penser, il faut détenir le CQP d’agent de remontées mécaniques, avoir une expérience professionnelle dans le secteur de minimum 12 mois et être présenté par un employeur.

Ainsi, en 2022, seulement 5 personnes ont obtenu ce graal des remontées mécaniques. Et si les élus sont peu nombreux, nous savons qui a obtenu les deux premiers permis de conduire en France. Sortes de demi-dieux, il s’agit de Paul Erié et Michel Verdon, employés du téléphérique de la Bastille, ayant passé leur examen aux commandes de cet appareil le 06 mars 1973. Sur la photo parue dans le Dauphiné Libéré, on voit le président du SNTF (Syndicat National des Téléphériques de France) agrafer au revers du veston de l’un de nos deux candidats le badge de conducteur agréé.

11 ans plus tard, exactement le 29 mai 1984, le permis n°20 (seulement) sera attribué à un certain Yves Erié, fils de Paul et digne héritier de sa passion.


Article du Dauphiné Libéré, en 1974.

Badge de conducteur agréé.

Comment conduire un téléphérique ?

L’ancien poste de commande (de 1934 à 1976) témoigne bien des préoccupations d’un conducteur de téléphérique.

  1. Être en contact avec les collègues et cela quoiqu’il arrive : fonction assurée par le généphone, sorte téléphone qui fonctionne sans alimentation électrique. Donc même en cas de panne de courant dans toute la ville, les communications fonctionnent.
  2. Maitriser la puissance du moteur pour faire varier la vitesse du téléphérique : fonction assurée par la manette du rhéostat au centre de la photo. En la faisant pivoter autour de son axe, le conducteur passe d’un plot de résistance à l’autre et envoi ainsi plus ou moins d’électricité dans le moteur.
  3. Assurer le bon retour des cabines en gare même si le moteur principal est en panne : fonction assurée par le deuxième poste de commande (en bas à gauche). En transférant la manette du rhéostat principal sur l’axe du rhéostat du moteur auxiliaire, le mécanicien actionne le moteur de secours.
  4. Connaître la vitesse des cabines : fonction assurée par 4 cadrans, un ampèremètre, deux voltmètres, et un tachymètre (indicateur de vitesse, gradué de 0 à 5 m/s).
  5. Freiner le téléphérique en cas d’urgence : fonction assurée par le levier blanc en haut à droite de la photo. Ce levier est directement relié à la poulie motrice sur laquelle est installé le système de freinage. En marche normale, ce système de freinage est automatique et fonctionne grâce à la force centrifuge : si la roue va trop vite, les mâchoires s’écartent.
  6. Bloquer le téléphérique à l’arrêt : fonction assurée par le frein à cliquets (roue crantée et levier en bas à droite de la photo). Ce frein pouvait aussi servir en cas de défaillance du frein principal et du frein de secours.
  7. S’assurer de la fermeture des portes avant de commencer le voyage : fonction assurée par les deux voyants qui s’éclairent automatiquement en rouge ou en vert selon l’état des portes. Il est impossible de démarrer le téléphérique si un des deux voyants est rouge.
  8. Savoir où se trouvent les cabines sur la ligne : fonction assurée par les indicateurs de course. Ce sont deux très longues vis (accouplées au système de commande) sur lesquelles se déplace deux curseurs représentant l’un la cabine de droite, l’autre la cabine de gauche.

Poste de commande, de 1934 à 1976.

Coincés huit ans dans une bulle !

Transformer les cabines carrées en bulles est une belle et élégante idée, mais encore faut-il être cohérent jusqu’au bout. Et voilà comment le poste de commande de 1976 avec la billetterie se trouvent regroupés dans une bulle destinée à rester à quai.

De la même taille que les bulles qui voyagent, dans celle-ci rentreront 61 voyants, 18 boutons, potentiomètres, combinateurs, sélecteurs et 13 cadrans d’indications diverses (compteurs de distances, horaires, tensions, courants, vitesse du vent) répartis sur un pupitre occupant le tiers d’un cercle et épais de 45 cm. Ajoutons-y la caisse, le caissier et le conducteur et voilà une bulle pleine comme un œuf dans laquelle la cohabitation n’est pas toujours facile.

Ainsi se souvient-on d’un certain Michel Gallo – conducteur au caractère marqué – qui n’entrait pas dans la bulle sans avoir auparavant délimité son espace de vie par quelques traits de scotch rageusement collés au sol et que son colocataire ne devait en aucun cas s’aviser de franchir ! On se souvient aussi de Jacques Ruh, caissier affligé d’un genou qui se pliait à l’envers et qui devait passer par toutes sortes de contorsions avant de s’installer à son poste de travail pour ne surtout plus franchir la ligne de démarcation scotchée au sol. Ce n’est que huit ans plus tard (en 1984) que le poste de commande et la billetterie trouvèrent leur aspect actuel et que les employés prirent une nouvelle respiration.


Poste de commande dans une bulle, en 1976.

Poste de commande, depuis 1984.

De quoi t’as peur ?

Le plus souvent, les personnes qui ont peur de monter dans un téléphérique craignent deux accidents, soit que le câble casse, soit que la cabine se décroche. Si ces peurs sont parfaitement compréhensibles, ce n’est pourtant pas ce que redoute le plus l’exploitant du téléphérique. Bien sûr, les câbles sont contrôlés avec la plus grande exigence et l’attache des cabines vérifiées toutes les 50 heures, mais cela serait bien insuffisant pour garantir la sécurité et le confort des passagers. Deux autres points de vigilance sont essentiels : le freinage et l’adhérence.

Le freinage : il en faut ni trop, ni trop peu. Trop peu de freinage et les cabines risqueraient d’arriver trop vite en gare, avec les conséquences que l’on peut imaginer. Mais surtout, un freinage trop violent provoquerait des « coups de fouet » pouvant déplacer les cabines quasiment à l’horizontal voire de faire dérailler le câble ou les cabines. Donc les freins sont réglés et entretenus pour être à la fois efficaces et souples. Enfin, chaque jour, avant l’ouverture au public, un voyage sans passagers est réalisé afin de faire des essais de freinage en ligne.

L’adhérence : ici, c’est du câble tracteur dont il s’agit. Pour mémoire, les cabines roulent sur le câble porteur et sont mises en mouvement par le câble tracteur. Or, ce câble tracteur est entrainé par la poulie motrice, il doit donc avoir la juste tension pour toujours être en adhérence avec cette dernière. Une perte d’adhérence serait catastrophique car cela signifierait que toute la ligne se mettrait à glisser et deviendrait incontrôlable. Heureusement, la technique de mise en tension du câble est d’une simplicité enfantine : le câble est ancré d’un côté à un point fixe (à Grenoble, c’est en gare du bas), et tendu à son autre extrémité par un contrepoids. Ainsi, le câble reste tendu pendant toute l’ascension, garantissant la parfaite adhérence au bandage de la poulie motrice.

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Anecdotes 90 ans – Parlons un peu technique !

24 avril 2024
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Dans l’article de blog du mois, découvrez à travers les anecdotes 24 à 32 les bâtis et structures du téléphérique de Grenoble ainsi que leurs évolutions depuis 1934. Les gares et le pylône n’auront plus de secret pour vous…

Retour vers le futur

En 1934, le téléphérique n’est pas qu’un moyen de promotion touristique de Grenoble mais également un outil de promotion technologique.

La preuve par les gares :

  • En bas, la gare est une évocation de la tour de l’Isle : une tour carrée édifiée sur les bords l’Isère au XIVe siècle, un des plus anciens bâtiments de Grenoble. Son volume est allégé par une voûte, surplombant le quai Stéphane Jay.
  • En haut, la gare est un bâtiment futuriste, une sorte de cube blanc, avec des arrêtes arrondies et des hublots comme ouvertures. Celle-ci se veut massive, à l’image des édifices militaires du passé.

Le message de l’architecte Jean Benoit est clair : le téléphérique est une machine à voyager dans le temps ! Il élève les passagers du passé vers le futur.

Plus tard en 1976, les bulles peuvent évoquer des petits véhicules futuristes, sortes de soucoupes volantes pour traverser le paysage. Bref, embarquer dans ce téléphérique est sans doute une expérience bien plus importante qu’il n’y paraît.

Gare inférieure, en 1934.

Gare supérieure, en 1934.

La passerelle et la passe-câble

Evocation historique de la tour de l’Isle (à 200 mètres en amont), la gare de départ de 1934 est déjà une invitation au voyage. En effet, les deux escaliers ouverts au public sont construits en encorbellement au-dessus de l’Isère, comme si l’on voulait préparer les futurs passagers à la sensation de vide.

Mais alors, si l’accès public se fait par ces deux escaliers, à quoi sert cette sorte de passerelle qui enjambe la route et semble rejoindre le jardin de ville ? Eh bien, c’est une passerelle technique permettant de relier la salle des machines à la gare. En effet, le moteur et la poulie motrice sont déportés de l’autre côté de la route, ainsi que l’ancrage des câbles porteurs. Donc, dans cette passerelle, des câbles et un atelier. Une conséquence de cet agencement est que le public ne voit aucune pièce tournante. Cela ajouterait-il à la magie du voyage ? À vous d’en juger…

Aujourd’hui, le moteur se trouve au même endroit et la gare d’embarquement est construite au-dessus avec la poulie motrice bien visible. Cela ajouterait-il à la magie du voyage ? À vous d’en juger !

Schéma de la gare inférieure, en 1934.

En attente de vertige

1959, le téléphérique fête ses 25 ans, et le public est toujours au rendez-vous. Dès lors, comment célébrer dignement ce quart de siècle ? Les cabines dodécagonales en bois et peintes en bleu ont déjà été remplacées par des cabines carrées en métal et peintes en vert. Puis les cabines vertes ont été repeintes en rouge et or, aux couleurs de Grenoble. Que faire ?

Une idée : améliorer encore l’accueil des passagers en bâtissant une salle d’attente. C’est l’architecte Jean Benoit qui sera chargé de modifier la gare de départ qu’il a lui-même construite en 1934. Et voilà comment en juin 1960, les grenoblois inaugurent une salle d’attente hissée sur des piliers et aux allures de tour de contrôle. Toute en vitres, elle permet à une centaine de voyageurs de patienter en regardant les cabines faire leur va et vient au-dessus de l’Isère. Cette salle est tellement grande qu’elle verra régulièrement le personnel du téléphérique s’y réunir avec familles et amis pour toutes sortes de moments festifs.

Quant aux passagers, ils ont la possibilité de vivre le voyage en avance en mettant quelques pièces dans un monnayeur afin de mettre en action une maquette monumentale du téléphérique. Maquette réalisée par le personnel du téléphérique et sur laquelle il est fièrement inscrit : « voyageurs transportés 8 000 000, voyageurs accidentés 0 ».

Bref, tout ici est promesse et mise en abîme : on joue au téléphérique dans la gare du téléphérique et la salle d’attente est un panorama sur le panorama. Vertige avant le vertige.

Extension de la gare inférieure, en 1959.

Maquette du téléphérique dans la salle d’attente du téléphérique, en 1959.

Invitation au voyage

En 1934, le téléphérique de Grenoble est l’un des premiers téléphériques urbains au monde après ceux de Rio de Janeiro de Cape Town. Mais qu’est-ce qu’un téléphérique urbain ? C’est un téléphérique dont la gare de départ est installée en ville et donc immédiatement accessible.

En termes esthétiques, l’enjeu est fort : la gare doit à la fois être intégrée dans la ville tout en étant visible et attirante. La simple vue de la gare doit raconter, être une invitation au voyage. Ainsi, en 1934, la gare de départ est une évocation d’un des plus anciens bâtiments historiques de Grenoble, la Tour de l’Isle.

Puis en 1976, tout change. Les cabines carrées sont remplacées par des véhicules qui racontent une tout autre histoire : des bulles transparentes. Certes, on continue de traverser le paysage mais le voyage gagne en légèreté et ces petites bulles qui s’envolent au-dessus de l’Isère deviennent un véritable spectacle. Il y a bien deux manières d’apprécier ce voyage : en passager embarqué ou en spectateur resté sur les quais. Pour ce dernier, le spectacle doit aussi être total.

Alors la nouvelle gare, conçue par l’architecte Félix-Faure, est transparente avec son habillage de métal et de verre, pour que rien de ce qui se passe à l’intérieur n’échappe au regard du badaud curieux. Il voit les bulles entrer dans la gare, les portes s’ouvrir, les passagers descendre sourire aux lèvres, ou encore frissonnants. Et puis, à peine les bulles commencent-elles leur demi-tour que déjà de nouveaux passagers au yeux brillants, ou parfois inquiets, se lovent dans ces cocons transparents sous le regard rêveur du promeneur admirant les bulles s’échapper de la gare. Bon voyage !

Démolition de la gare inférieure, en 1976.

Construction d’une nouvelle gare inférieure, en 1976.

Machine à bulles

Tous les jours c’est le même spectacle : depuis la gare haute – bloc de béton blanc orné de larges hublots surplombant Grenoble depuis 1934 – avec délicatesse, sortent sagement cinq petites bulles chatoyantes. Sans hésitation, mais avec grande précaution, ces cinq sœurs semblent vouloir explorer les lois de la gravitation et se jettent en douceur vers les eaux de l’Isère. Il y a du suspens… Vont-elles, comme leurs cousines en savon, soudainement disparaitre ou être emportées par un courant d’air ?

Elles s’approchent maintenant du sol, se faufilent dans la gare du bas et, poussées par un souffle magique, sont renvoyées avec légèreté vers le ciel. Etonnamment, par un étrange phénomène, au même instant, cinq sœurs nouvelles pointent le bout de leur bulle à la sortie de la gare du haut convertie, depuis 1976, en machine à bulles. Inchangée depuis 1934, la gare haute n’a fait l’objet que de quelques réaménagements intérieurs pour accueillir le nouveau système de fonctionnement en 1976.

Gare du haut dont le destin s’inscrit dès 1934 dans ses murs, grâce à l’intuition merveilleuse de l’architecte Jean Benoit, qui, pour faire entrer la lumière, avait déjà imaginé ses ouvertures en hublots. Les hublots sont-ils les papas des bulles ?

Ce n’est que bien plus tard, en 2005, que notre gare-machine-à-bulles, toujours coquette, rajeunira en habillant certains de ses murs avec de l’acier corten. Ainsi, vêtue de cette robe rouille, elle continue inlassablement d’enfanter des ribambelles de bulles.


Les bulles en sortie de gare, en 2020.

Rénovation de la gare supérieure, en 2005.

PMR : Pour Mieux Rêver

1976, le téléphérique de la Bastille est le premier en Europe à disposer d’une bulle spécifiquement adaptée aux Personnes à Mobilité Réduite. Dans cette bulle sans mât central, se libère, pour le fauteuil, une Place pour Manœuvrer et Regarder le paysage. Le site de la Bastille serait-il un Précurseur en Mécanique Responsable concernant l’accueil des personnes en situation de handicap ? Ce n’est pas si sûr car, en haut, seule une Promenade Minimaliste et Rapide à gauche et une Passerelle Menant au Restaurant à droite autorisent un déplacement facile. Le reste du site est un enchevêtrement d’escaliers Particulièrement Mauvais et Raides. Et voilà notre PMR, Prisonnier, Malheureux, Retenu sur cette Promenade Médiocre et Restreinte. Cela ne Pouvait Manifestement pas Rester dans l’état. En 2005 un grand chantier est enfin Programmé pour Modifier Radicalement les accès du fort. Grace à deux ascenseurs, le Panorama Merveilleux Rencontre un nouveau Public Magnifiquement Ravi désormais appelé Personnes à Mobilité Riante !

Le chant du pylône

En 2024 le téléphérique fête ses 90 ans, l’âge est vénérable mais il a été continuellement soigné, transformé, entretenu, réparé. Alors que reste-t-il de 1934 ?
Les câbles ? Non, heureusement !
Les cabines ? Les bulles sont la troisième génération.
Le moteur ? Changé.
Les freins ? Changés aussi.
Le pylône ? Oui ! Il est toujours là, intact, solide, inchangé et surtout sous haute surveillance. Tous les 10 ans les pieds d’ancrage en béton sont expertisés. Par ailleurs, galets, sabots, axes, anti dérailleurs… sont sans cesse (tous les mois) surveillés, bichonnés, graissés.
Et puis, il y a les rivets. 2500 rivets qui sont vérifiés tous les 5 ans, un par un, chacun leur tour. Il y a bien sûr un contrôle magnétoscopique de toutes les soudures. Enfin on les écoute, on vérifie que les rivets chantent juste. Les mécaniciens disent qu’ils les font sonner : chaque rivet reçoit un petit coup de marteau et les oreilles attentives du mécanicien analysent le son. Est-il bien mat, bien plein, sans résonance ? Reste une question : en 90 ans, combien de rivets a-t-il fallu remplacer ? Aucun, il n’y a jamais eu un seul rivet défectueux !


Détail du plan de rivetage de la partie inférieure du pylône, en 1933.

La tour Eiffel de Grenoble

Deux petites histoires font parfois la fierté des grenoblois. La première consiste à raconter que notre téléphérique est le premier téléphérique urbain du monde… C’est vrai, mais juste après le téléphérique de Rio de Janeiro et celui de Cape Town. La seconde histoire laisse supposer que notre pylône est une petite Tour Eiffel ! Rien que ça ! Fabriqué par Gustave Eiffel, himself ! Ou alors, les établissements Eiffel… Ou un truc comme-ça… Enfin, il doit bien y avoir un rapport avec Eiffel ?

Cherchons un peu : Les plans du pylône sont dessinés par les établissements Bleichert, le constructeur du téléphérique. Quant à la fabrication du pylône, elle est confiée aux ateliers (grenoblois) de constructions métalliques Para. Décidément, Eiffel n’y est pour rien… Mais alors d’où vient cette rumeur prestigieuse qui encadre notre pylône ? Tout simplement de la technique de fabrication : l’assemblage est réalisé par rivure à chaud, c’est-à-dire, la même technique que celle utilisée pour la Tour Eiffel !

En réalité pas de quoi se vanter, c’est une technique très courante à l’époque, voire déjà un peu dépassée car la soudure électrique commence à la remplacer. Reste que notre pylône, haut de 23,50 mètres, soutient notre téléphérique sans faillir depuis 1934.

Mais qu’est-ce que la rivure à chaud ? C’est une technique consistant à chauffer le rivet à 1100°C au moment du rivetage. Ainsi, en refroidissant le rivet se rétracte dans la longueur et assure un « assemblage de force » des pièces en présence. Ça vous intéresse ? Alors on continue un peu : cette technique existe depuis le début du XIXème siècle et la mettre en œuvre faisait appel à quatre métiers pour poser un seul rivet :

  • Le Chauffeur, qui supervise la température (1100°, la pièce est rouge-cerise),
  • Le Passeur de rivet, qui transporte le rivet en sortie de four pour l’amener au riveur,
  • Le Teneur de tas, qui maintient en place l’extrémité du rivet à l’aide d’une matrice (le tas),
  • Le Riveur, qui refoule la tige et forge la seconde tête en la frappant avec la bouterolle (le marteau doté d’un embout faisant office de moule).

Le pylône est assemblé, en 1934. © Charles Piccardy.

L’élégance du pylône au fond de la nuit

Pour de nombreux grenoblois, apercevoir du coin de l’œil le petit train de bulles ascensionner les pentes de la Bastille, c’est comme vivre une respiration poétique. Il y a de la beauté dans ces bulles, car leur apparition est toujours une surprise et ne dure qu’un instant. Et puis arrive cette heure où, les bulles s’évanouissant dans la pénombre de la nuit, le pylône s’illumine. Cet éclairage est d’abord une obligation relative à la sécurité aérienne, mais depuis le mois de février 2023, il change parfois de couleurs. Il s’offre en bleu, ou en jaune, ou en vert, sans logique apparente, pouvant rester plusieurs soirs de suite de la même couleur puis changer de teinte. Le pylône serait-il lui aussi un agent poétique ? Jouerait-il avec notre émotion esthétique ? Voudrait-il faire respirer notre imagination ? Il nous parle, il communique, il nous invite à le regarder ; mais il n’est pas un phare, il est un sémaphore : il délivre un message sur notre qualité de respiration :

  • Bleu : l’air est bon
  • Vert : moyen
  • Jaune : dégradé
  • Rouge : mauvais
  • Pourpre : très mauvais
  • Magenta : extrêmement mauvais

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Anecdotes 90 ans – Il était une fois à la Bastille…

19 mars 2024
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1934 – 2024, le téléphérique de Grenoble a 90 ans !

Pour fêter cet anniversaire, nous vous racontons la merveilleuse histoire du téléphérique à travers 90 anecdotes !
En mars, rendez-vous au Centre d’art bastille, au Musée des Troupes de Montagne, à l’Acrobastille, au Bureau d’Information Touristique Bastille, au Snack la Salle des Gardes…
Autant de lieux que d’anecdotes à trouver à la Bastille.

Pour vous donner un petit aperçu nous vous proposons de découvrir ici deux anecdotes en rapport avec les deux restaurants du site de la Bastille. Bonne lecture !

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