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En août, intéressons-nous aux autres téléphériques ayant gravi les pentes de la Bastille !
Mais ce n’est pas tout, nous allons également découvrir les grandes instances de la Famille Téléphérique…
Premier téléphérique urbain au monde
Des téléphériques pour transporter du matériel, il en existe depuis que l’homme à penser à se servir d’une corde pour franchir un obstacle. Autant dire, depuis la nuit des temps ! Des téléphériques pour transporter des touristes avides de paysages ou de sensations, il en existe depuis peu après l’invention du câble en acier. La plupart du temps ces téléphériques sont installés en montagne, et c’est ce qui démarque Grenoble de toutes les autres remontées mécaniques : ici nous avons un téléphérique urbain depuis 1934. C’est ainsi que Grenoble est la première ville au monde à disposer d’une gare de téléphérique au départ du centre-ville. Alors, Grenoble, premier téléphérique urbain au monde ? Oui… Enfin oui, mais après Rio de Janeiro et Cape Town… On est les troisièmes quand même !
Au Mont Jalla, le premier téléphérique industriel du monde et à force gravitationnelle !
En arrivant en haut du téléphérique, depuis la terrasse des géologues, en tournant le dos à Grenoble, on aperçoit nettement quelques ruines sur le Mont Jalla. Il s’agit des ruines de l’ancienne cimenterie de la Société des Ciments de la Porte de France dont les carrières sont situées dans les flancs du Mont Jalla. 46 galeries, réparties sur une vingtaine d’étages permettent l’exploitation de ce calcaire d’excellente qualité. Un problème se pose cependant : une falaise de plus de 300 mètres interdit un acheminement facile des pierres vers les fours situés dans la vallée, à Saint-Martin-le-Vinoux. C’est ainsi qu’en 1874 est installé sur les pentes du Mont Jalla ce qui semble être le premier téléphérique industriel du monde. En effet, ce téléphérique bénéficie des dernières avancées technologiques concernant les câbles en acier, il était jusqu’alors impossible de fabriquer un câble d’une portée supérieure à 300 mètres et les charges maximum ne dépassaient pas 400 kilogrammes. Ce nouveau téléphérique explosera tous les records avec un câble de 600 mètres supportant des charges de 1000 kilogrammes.
Enfin, ce qui pourra nous sembler encore plus étonnant est l’absence de moteur. Puisque qu’il s’agit de descendre des charges lourdes et de remonter des wagonnets vides, la simple force de gravité suffit à donner le mouvement. Si l’on voulait faire les malins, on pourrait s’inventer le terme de « téléphérique à force gravitationnelle », mais les techniciens et ingénieurs préfèrent parler de « câble automoteur ». Quoiqu’il en soit, avec une vitesse de 6 mètres par seconde, ce téléphérique acheminera entre 120 et 150 tonnes de matière par jour. Il est tellement fiable que l’année suivante, en 1875, un deuxième téléphérique identique est construit parallèlement au premier et il n’est pas rare de voir du personnel monter dans les wagonnets pour faire le trajet, malgré l’interdiction de s’en servir à cet usage.
Finalement, cette histoire, ou plutôt cette technologie sans moteur, nous enseigne qu’un téléphérique est relativement sobre en énergie. Ainsi, pourrions-nous imaginer l’expérience suivante sur notre téléphérique : deux hommes un peu costauds arriveraient à faire tourner le disque de frein et seraient donc capables, par leur seule énergie musculaire, de faire rentrer les cabines en gare.
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Gravure représentant la gare amont en activité.
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Vestige de la gare amont aujourd’hui.
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Le(s) téléphérique(s) de la Grande Muette
En 1934, le Téléphérique de Grenoble ouvre au public. Mais est-il bien le premier équipement à rejoindre le fort au départ de la ville ? Non, car ce serait oublier les militaires du Fort de la Bastille. Ces derniers ont besoin de se ravitailler, en matériaux, en vivres, en munitions, et selon les circonstances, le plus rapidement possible. Un téléphérique s’impose.
Ainsi, restent sur les pentes de la Bastille les vestiges d’un téléphérique dont la gare de départ se trouvait vers la porte Saint-Laurent et la gare supérieure, du côté de l’entrée Est du fort.
Mais peut-être encore plus étonnant, on ne sait pas trop combien de téléphériques permettaient de rejoindre le fort, il y en avait peut-être un deuxième. En effet, sur une photo de 1937, on aperçoit assez nettement, dépassant de la végétation, la tête d’un pylône d’une remontée mécanique. Son emplacement nous laisse en pleine perplexité, il semble un peu trop décalé pour être le pylône de ligne du téléphérique de « Saint-Laurent ». Mais est-ce un effet de la photo ? Est-il simplement un pylône de ce téléphérique, dont nous connaissons les vestiges, ou le témoin d’un deuxième téléphérique ? Quoiqu’il en soit, l’armée, fidèle à sa réputation de Grande Muette, ne nous a pas laissé d’archives au sujet d’aucun de ce(s) téléphérique(s). Tout au plus savons-nous qu’en 1934, les bâtisseurs de notre téléphérique ont demandé à l’armée l’autorisation d’utiliser le téléphérique militaire pour acheminer les matériaux de construction. Autorisation refusée au motif que cet appareil devait être démonté pour être remonté ailleurs dans les Alpes. Cette opération de démontage-remontage n’avait d’ailleurs pas d’autres finalités stratégiques que l’entrainement des soldats.
Alors, un ou deux téléphériques militaires sur les pentes de la Bastille ? La question reste ouverte et se pose comme un défi aux historiens et aux farfouilleurs d’archives !
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Le pylône mystère
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Sécurité maximale
Vous n’êtes jamais autant en sécurité que lorsque vous êtes à bord d’un téléphérique ! Le fait est indiscutable et les chiffres le prouvent. La vérification se fait en quelques clics seulement, en se rendant sur le site internet du Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés (STRMTG). Ainsi apprendrez-vous qu’en 2023, les remontées mécaniques du territoire français ont transporté 546 millions de passagers et ne déplorent que 27 victimes d’accident dont, hélas, un décès. Vous avez donc plus de risques de mourir piqué par une guêpe (15 cas par an en France) qu’en empruntant un téléphérique !
Il faut dire que les remontées mécaniques (téléphériques, télécabines, télésièges, téléskis, tapis roulants…) sont sous le contrôle permanent et très strict du STRMTG. Ce service dépendant directement du Ministère des Transports est notamment chargé des missions de contrôle relatives à la sécurité des passagers. Deux fois par an, le téléphérique doit apporter la preuve de son entretien dans le respect de son Règlement de Sécurité et d’Exploitation. Et comme il est bien sûr impensable de négocier quoi que ce soit avec les contrôleurs, ces derniers ont l’obligation professionnelle d’informer sans délais leur direction à la moindre tentative de pression exercée par un tiers.
Enfin, si vous ne serez pas étonné d’apprendre que le téléphérique de l’Aiguille du Midi est contrôlé par le STRMTG, vous serez peut-être plus surpris en découvrant que le RER, le tramway de Strasbourg ou encore le Train Jaune des Pyrénées, le sont également. Ainsi, si le siège social est à Saint-Martin-d’Hères, le STRMTG possède des bureaux partout en France et emploie environ 120 personnes. Reste que le Téléphérique de Grenoble est la remontée mécanique la plus proche de son siège social et surtout que notre téléphérique a servi de « terrain » pour élaborer le référentiel de contrôle des autres téléphériques de France. C’est dire si l’on se connaît bien !
Vous êtes bien urbain !
Prendre le Téléphérique de Grenoble chaussures de ski aux pieds et skis sur l’épaule ça arrive, mais c’est toujours l’œuvre d’un plaisantin. En général, le geste provient d’un étudiant à l’esprit ironique s’amusant de l’impossibilité de descendre de la Bastille avec des skis. Arrivé au sommet, le jeu consiste à prendre l’air benêt de celui qui s’est trompé (dans le meilleur des cas), voire de celui qui a été abusé par une soi-disant publicité mensongère. Il est vrai que, pour une grande majorité de la population, le téléphérique est d’abord une machine permettant de rejoindre un domaine skiable. Un téléphérique urbain peut donc apparaître incongru.
Nous pardonnons naturellement cette généralisation en nous plaçant volontiers du côté des rieurs, d’autant que le Téléphérique de Grenoble adhère au syndicat professionnel, fédérant la quasi-totalité des opérateurs des remontées mécaniques en France, dont le nom est : Domaines Skiables de France (DSF), anciennement Syndicat National des Téléphériques de France (SNTF) ! Expliquer ici le rôle de DSF serait long et fastidieux, retenons que son champ d’action va de la formation à la protection juridique, en passant bien sûr – et toujours – par la sécurité.
Reste que gérer un téléphérique urbain suppose des contraintes différentes de celles d’une remontée mécanique de station de ski. Les passagers ont d’autres attentes, la période d’ouverture est de 11 mois sur 12 (il y a 1 mois de fermeture obligatoire pour l’entretien), l’amplitude horaire est très élargie, etc.
C’est donc en 2020 qu’une nouvelle section de DSF a été créée : UTI pour transports Urbains Touristiques et Industriels. Le Téléphérique de Grenoble s’est ainsi trouvé plusieurs cousins comme le Téléphérique du Mont Faron à Toulon, le Téléphérique du Pic du Midi, le Téléphérique du Salève, celui du zoo de Beauval et d’autres encore.
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