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Anecdotes 90 ans – Ils ont marqué l’histoire du téléphérique

27 novembre 2024
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Le pirate de la Bastille

Aussi à l’aise au lofe que dans la peuf, les turbulences ne l’inquiétaient pas. À la fois marin, moniteur de ski et pilote d’ULM, les bulles de la Bastille allaient offrir à Michel LAMBERT un terrain parfait pour qu’il exprime son goût de l’aventure.

Quand il arrive à la Bastille comme directeur, en 2002, le téléphérique est un navire en mer calme doucement bercé par les clapotis grenoblois. Seulement, l’homme est une bourrasque à lui seul et ce qui l’amuse c’est affronter le grain. Ainsi, va-t-il s’emparer du téléphérique à la manière d’un capitaine de piraterie, il va falloir hisser-haut ! Le souffle de Michel sur les bulles va les propulser vers de nouveaux territoires. C’est que Michel, souque ferme et tient le gouvernail en même temps. Il n’y a pas un cap, qui ne mérite d’être étudié, ce qu’il veut c’est ouvrir une nouvelle route.

Certes, le câble qui relie la ville au Fort de la Bastille est déjà tendu, mais là-haut que se passe-t-il ? En ce début de XXIe siècle il n’est plus concevable de se contenter d’un aller-retour pour apercevoir un bout du Mont Blanc. Il faut être moderne ! Il faut donner au public plusieurs raisons de monter ! Et même, lui donner envie de remonter encore et encore, plusieurs fois par an ! L’argent ne sera pas un problème, il a la carte de toutes les îles au trésor institutionnelles : FRACET, ALCOTRA, PAUE, TROPHEES RRA, etc., dès qu’un organisme fait un appel à projet, Michel a une nouvelle idée qui sera financée.

Sous son impulsion, les bulles vont devenir des balles rebondissantes et le fort apparaît presque comme un manifeste des valeurs portées par Michel :

  • Justice sociale : les personnes à mobilité réduite découvrent un nouveau site accessible à 100% et sur 7 niveaux. Au même moment, une sandwicherie ouvre ses portes (cahier des charges de la sandwicherie : bon et pas cher !)
  • Bon vivre : L’étroite terrasse du restaurant passe de 2 mètres à 6 mètres de large.
  • Elégance : Les murs de la gare supérieure s’égayent avec de l’acier Corten.
  • Culture : Le Centre d’art bastille, l’Acrobastille, le Musée des Troupes de Montagnes, des spectacles (dont Dernière Ronde à la Bastille qui a été joué pendant 12 étés consécutifs) voient le jour.
  • Convivialité : On organise des séminaires, des fêtes, des mariages, dans des casemates jusqu’alors fermées au public.

Et puis un jour, en ce début d’année 2013, il a eu mal au ventre. Hélas, ce n’était pas un mal de mer mais un méchant crabe qui l’attendait en embuscade. Bon vent en mers inconnues Michel !

Michel LAMBERT, en 2010


© RTGB

Le syndrome de la Bastille

Il se passe quelque chose d’étrange dans l’esprit de toutes celles et tous ceux qui travaillent pour le Téléphérique de Grenoble ; c’est une sorte de syndrome de la Bastille. Les symptômes arrivent progressivement et peuvent vite devenir obsédants. Sans que l’on s’en rende compte, il arrive un moment où le téléphérique occupe une place excessive dans la vie des individus. Si certains ont un petit vélo dans la tête, chez nous, c’est carrément un téléphérique ! Une fois atteint du symptôme de la Bastille, l’individu produit des comportements baroques qui le poussent à agir – parfois – de manières poétiques.

Ainsi en est-il de Thibaut CONESA, notre chef d’exploitation, capable de se promener dans les entrailles du téléphérique, tous ses sens en éveil, à la recherche du moindre petit défaut. Mais ce que l’on raconte sur Thibaut est autrement plus inquiétant. Si l’on ne sait pas trop à quel moment il a vrillé, c’est le jour de la naissance de sa fille que son syndrome de la Bastille a explosé à la face du monde. Comme tous les futurs parents, cela faisait déjà plusieurs semaines qu’il cherchait un prénom pour sa fille. Shéhérazade lui plaisait bien, mais il n’arrivait pas à définir ce qui ne fonctionnait pas avec ce prénom. S’il arrivait toujours à écrire le S, le H, le E, le deuxième H, le deuxième E, sa main se mettait alors à trembler et jamais le R ne s’écrivait. Quand soudain tout lui est apparu clairement, c’est le nombre de lettres qui ne convenait pas ! Onze lettres ! Onze lettres alors que le téléphérique n’a que cinq bulles ! Il fallait que sa fille se prénomme en cinq bulles ! Même quatre ! Au cas où un jour le téléphérique refonctionnerait avec des trains de quatre bulles seulement. Lola !

Thibaut, désormais contrôlé par son syndrome, savait ce qu’il devait faire. Frénétiquement, il s’est attelé à sa première tâche de père : fabriquer cinq disques de PVC de la taille d’une bulle, les peindre en rose et écrire sur l’un un L géant, sur l’autre un O, puis un L et un A pour finir avec un cœur. Il aurait fallu se lever tôt, en ce dimanche 2 octobre 2022, pour voir cet exceptionnel train de bulles glisser jusqu’au-dessus de l’Isère puis revenir en marche arrière afin d’annoncer la naissance de l’enfant. Reste une rumeur qui circule dans l’équipe, il paraît que le contrat de travail de Lola est déjà prêt et se trouve dans un des tiroirs de Thibaut…

Thibaut CONESA, en 2023

© Théo LALLIOT

Bulles pour la naissance de sa fille Lola, en 2022

© RTGB

Autoportrait masqué

Pour certains, il s’appelle Barnabé de la Bastille (1) et prétend être né le même jour que les débuts de la construction du Fort de la Bastille. On l’a vu sous les traits de Félix Legardian (2), téléféricologue émérite. Il aurait, lors d’un week-end d’Halloween, terrifié les enfants sont le masque de Sorgue l’Obscur (3). Pour d’autres, il serait « la nounou (4) » du plus petit soldat de France, Albert Roche. Certains prétendent même l’avoir aperçu derrière le visage d’Hippolyte Bouteille (5), premier directeur du Muséum de Grenoble et découvreur du Dahu de Chartreuse. Enfin, il semblerait qu’il apparaisse ces derniers temps dans le costume de Bill Lacabine (6) racontant sans vergogne qu’il est né dans le Téléphérique de Grenoble et écrivant des jeux de piste pour les familles. Et puis, en quittant la colline de la Bastille, on le retrouve (encore !) sous d’autres identités dont la liste serait longue et fastidieuse à dresser ici.

Qui est-il ? Que fuit-il ? Pourquoi se cache-t-il derrière tous ces masques ? Que veut-il ? Qu’est-ce qui le pousse à s’emparer de tous ces sujets pour les raconter aux passants ?

On murmure même que ces « 90 nuances de téléphérique » auraient surgi de sa plume… Il serait l’inventeur de l’ordre des Chevaliers de l’hypoténuse (7).

C’est ainsi que, sans trêves, Pascal servait.

Pascal SERVET, alias Bill Lacabine, en 2024

© Ville de Grenoble / Mathieu NIGAY

Un enfant des Bulles

Si certains sont des enfants de la balle, lui est incontestablement un enfant des bulles ! La légende raconte même qu’il aurait été conçu dans le téléphérique et, comme souvent avec les légendes, il y a un fond de vérité : Yves ERIÉ est bien un enfant du téléphérique. Il nous raconte volontiers comment, tout jeune adolescent, il accompagnait son papa, Paul ERIÉ, qui fût d’abord cabinier, puis conducteur, à la plus grande fierté de son fils.

Le hasard veut que sa vie professionnelle s’ouvre en même temps que celle des bulles. Il a participé aux premiers essais, il était là le jour de l’inauguration et n’a plus jamais quitté le téléphérique. Alors, il se souvient des couleurs, des odeurs, des sons, « du clapotis de l’Isère au petit matin dans la ville endormie ». Aujourd’hui à la retraite, cet ancien chef d’exploitation a toujours l’oreille aux aguets : il écoute le chant des câbles, la petite musique des poulies, le ronronnement du moteur et sait, sans se tromper, déceler la petite anomalie qu’il faudra corriger. Il connaît jusqu’au moindre écrou perdu dans les tréfonds de la mécanique, aucune vis ne mérite son mépris !

À ce niveau ce n’est plus de la mécanique, dans sa main un tournevis devient une plume avec laquelle il fabrique de la poésie. Nous avons même croisé un médecin qui nous jure qu’Yves possède une bulle à la place du cœur, que ses artères sont des câbles et ses neurones des poulies bien graissées ! Et en effet, Yves est à l’image de notre téléphérique : dans sa tête, tout fonctionne en rotation continue, il a le cerveau pulsé !

Alors, il faut rendre au César des téléphériques ce qui appartient au César des téléphériques : toutes ces histoires, toutes ces anecdotes, tous ces textes que vous lisez, n’existeraient pas sans Yves. Ainsi, depuis 1980, il collecte, cherche, fouille, trouve, s’étonne, s’amuse et surtout partage, transmet, offre ses connaissances, ses trouvailles. Il fait œuvre d’archiviste généreux, d’historien communiquant, il est la mémoire du téléphérique.

Alors, moi, l’auteur de ces lignes, je dois ici me taire pour lui laisser la parole et j’aimerais partager avec toi, lecteur, ces moments où je m’assois à sa table et l’écoute. Ainsi, dans le texte suivant – pioché au cœur du recueil de 1 240 pages qu’il m’a offert – Yves nous raconte la naissance de sa passion.

« Mon petit Noël à moi, c’était simplement ces journées du service 2 de 12h00 à 19h30, lorsque mon père me demandait de m’assoir, à ses côtés, sur un poussiéreux casier à bouteilles en bois, et surtout, de ne plus en bouger. Je me nourrissais de chacun des gestes qu’il répétait à l’identique à chaque voyage…
J’attendais la sonnerie, celle qui annonçait le départ du voyage… mes oreilles, alors, se remplissaient du ronronnement des engrenages entremêlé au sifflement du moteur en pleine accélération… les claquements du gros rotacteur au passage des plots de résistances… les odeurs de cette mystérieuse salle des machines chaudes et grasses… et les curseurs, chacun était l’image d’une cabine, le croisement de ces derniers en milieu de parcours… ils déclenchaient comme par magie, une vive lumière rouge et un strident klaxon lorsque les cabines arrivaient au- dessus de l’Isère, que surplombait magistralement le poste de conduite…à partir de cet instant, il fallait ralentir l’installation, d’un coup d’œil, que je voulais expert, je mesurais le nombre de passagers à l’intérieur de la cabine, lorsqu’ elle était bondée, je savais que père allait devoir livrer une petite bataille avec le frein. L’arrêt se devait d’être confortable, régulier et précis jusqu’au gros ressort de fin de course… Pendant le voyage, après avoir étiré le buste, j’observais le ballet désordonné et incessant des aiguilles des gros indicateurs de vitesse, de courants, de tensions… au fil du temps je compris que la puissance était l’image du courant qui se lisait sur l’appareil avec le gros A … à l’approche du pylône de ligne, sa valeur augmentait systématiquement et proportionnellement à la charge de la cabine… j’endossais alors le rôle du parfait petit ‘contrôleur’ en comparant l’indication de l’ampèremètre au taux de remplissage de la cabine montante… il ne se trompait jamais. Moi, si quelquefois… Voilà d’où me vient cette passion, inébranlable. »

 Yves ERIÉ, en 2016


© RTGB
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Anecdotes 90 ans – Évacuations et exercices

20 novembre 2024
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En novembre, vous saurez tout sur les exercices d’évacuation du téléphérique de Grenoble organisés chaque année.
En prime, découvrez le récit des deux uniques réelles évacuations de 1976 et 2014 !

Quand le téléphérique coince la bulle

En 1934, l’une des tâches du cabinier est de s’assurer, avant d’embarquer, qu’une corde est bien présente dans la cabine. La longueur de cette corde doit être un peu supérieure à la hauteur la plus haute qui sépare le téléphérique du sol. On comprend que cette corde est un équipement de sécurité servant surtout à s’échanger du matériel, des outils ou n’importe quoi d’autre d’utile, si la cabine devait rester coincée en ligne. Plus rarement, elle pouvait servir à évacuer les passagers, ainsi trouve-t-on dans le matériel vendu aux exploitants de téléphérique un sac de sauvetage dans lequel les voyageurs devaient se glisser pour être redescendus.

C’est que la question de l’évacuation des passagers est une préoccupation constante pour toutes les remontées mécaniques et le Téléphérique de Grenoble n’échappe naturellement pas à la règle. Ainsi chaque année des exercices d’évacuation sont organisés. La méthode est simple : on remplit le téléphérique avec une soixantaine de volontaires et on fait semblant de tomber en panne ! On choisit la configuration : au-dessus des immeubles, au-dessus de l’Isère, au-dessus des arbres, de jour comme de nuit, … Et ensuite, ce sont les pompiers du GRIMP (Groupe de Reconnaissance et d’Intervention en Milieux Périlleux) qui viennent secourir ces naufragés volontaires. L’affaire se corse quand ils arrivent au sol : par exemple, au-dessus de l’Isère, il faut un bateau, au-dessus de la végétation, il faudra peut-être élaguer, au-dessus des immeubles, la grande échelle des pompiers devra être déployée. Rien n’est oublié, aucune configuration n’est écartée, ainsi lors de l’exercice de 2024, une personne en fauteuil roulant était présente dans les bulles et fut évacuée tout en douceur.

Enfin, pour rejoindre les passagers, les pompiers utilisent des appareils de déplacement autonome sur câble, sorte de chariots fonctionnant par gravité. Il est a noté que la Régie du Téléphérique en a acheté quatre qu’elle met à la disposition des pompiers qui ont installé une tyrolienne dans leur caserne spécifiquement pour s’entrainer à manipuler l’engin !

C’est donc bien au moment où le téléphérique coince la bulle que tout le monde s’agite !

Exercice d’évacuation au-dessus de l’Isère, en 2015


© DL / Stéphane PILLAUD

Cabine en détresse, nacelle en dé-stress !

C’est dès la conception d’un téléphérique que les techniciens envisagent le cas d’une panne nécessitant une évacuation des passagers. Ainsi, en 1934, l’un des candidats à la construction (REBUFFEL et HECKEL) fut écarté car son système de sauvetage semblait trop aléatoire. En revanche, l’entreprise Bleichert proposait deux nacelles de sauvetage prêtes à s’élancer sur le câble porteur et bénéficiant d’un câble tracteur auxiliaire dédié. A cette époque, ces nacelles (garées en gare inférieure) peuvent transporter cinq passagers, sont reliées par téléphonie aux deux gares et surtout, le Téléphérique de Grenoble est le seul, en France, à posséder deux nacelles de sauvetage. Ce système existera jusqu’en 1976, date à laquelle le téléphérique sera entièrement remodelé pour prendre son aspect actuel.

1976 donc, naissance des bulles et changement de nacelle de sauvetage. On décide de n’en mettre qu’une seule mais pouvant transporter 8 personnes, soit 6 victimes et 2 sauveteurs. Comme ses prédécesseuses, elle fait pleinement partie du plan d’évacuation. Stockée au pied du pylône, en cas de besoin, elle est mise en mouvement par un treuil installé sous la taille de guêpe du pylône. Elle descend par gravité, retenue par le treuil, sur le câble tracteur. De cette manière, la nacelle accoste facilement les cabines en détresse et les passagers sont évacués par la porte des bulles, vers la nacelle.

Hélas, lors des essais, le prototype montre une fâcheuse tendance à dérailler… En cause, le peu d’expérience des salariés de la régie, qui maîtrisent mal le temps de latence du déroulement du câble du treuil, mais surtout un défaut de conception des galets (les roues). Remédier à ce problème consista à simplement installer des galets de roulage en aluminium massif et ajouter des contre-galets de manière à enfermer le câble sur lequel la nacelle devait rouler. Rapidement, une seconde nacelle fut installée et les employés du téléphérique furent entrainés, exercés, formés régulièrement à toutes les procédures de mise en œuvre de la nacelle et de secours en collaboration avec les pompiers.

Puis en 2019, la manœuvre de mise en service des nacelles semble bien longue, compliquée, peu moderne, il est donc décidé de passer à un système plus efficace et actuel. Les nacelles sont envoyées à la ferraille et le téléphérique s’équipe de chariots autopropulsés.

 La nacelle d’évacuation, en 1976

© Dauphiné Libéré

Comment passer pour des crétins des Alpes ?

Comment passer pour des crétins des Alpes ? Facile : le jour de l’inauguration du nouveau téléphérique (18 septembre 1976), inviter tout le gratin dauphinois, convoquer la presse, dire qu’on est les meilleurs, faire un peu de bruit avec des fanfares et… dérailler ! Le résultat est garanti : attroupement de plusieurs milliers de personnes sur les quais et titres moqueurs dans la presse ! L’incident régale encore les conversations grenobloises presque 50 ans après l’événement. Il est vrai que l’évacuation fut spectaculaire et probablement un peu trop longue, le déraillement s’étant produit à 15h45, le dernier passager évacué fut libéré à 20h20. Mais, le téléphérique a donné un spectacle grandiose ! D’abord la forme du déraillement qui donne l’impression que deux bulles se sont soudainement aimantées, et puis tous les moyens mis en œuvre : grande échelle des pompiers (pour délivrer les passagers des bulles au-dessus du quai), nacelle de sauvetage qui multiplie les allers-retours et hélicoptère avec pompiers et passagers suspendus dans les airs.

Assurément on n’a jamais vu ça ! Et l’imagination des grenoblois part au grand galop, ce serait un homme de forte corpulence (un gros !) qui aurait fait dérailler la bulle n°3.1 en ayant un comportement inapproprié, sans doute dû à son enthousiasme débridé. La rumeur se propage dans les journaux, fait les titres et encore aujourd’hui, en 2024, des témoins racontent cette histoire éminemment farfelue. Oui, les bulles ont déraillé, mais non, aucun passager n’en est la cause. La raison est purement technique, un petit défaut de conception qui a favorisé un rebond de la bulle au moment où, quittant le rail de la gare inférieure, elle monte sur le câble. Petit défaut qui sera corrigé sans difficultés techniques dans les jours suivants.Évacuation du téléphérique, en 1976

© Dauphiné Libéré

Fou rire grenoblois

18 septembre 1976, alors que le nouveau téléphérique accueille des passagers depuis plus d’un mois, c’est enfin le jour de l’inauguration des bulles ; et alors que, ce téléphérique qui existe depuis 1934, n’a jamais connu la moindre panne significative, c’est ce jour précis, au moment du pic d’affluence, qu’il déraille ! Tous les sièges sont occupés (72 passagers) par un échantillon représentatif de la population grenobloise. Les passagers ont entre 2 et 82 ans, une religieuse est à bord et même un petit chien. L’évacuation, bien qu’un peu longue, a permis de libérer tout ce beau monde en sécurité. Bref, plus de peur que de mal, l’heure des moqueries arrive ! On rigole dans les familles, on pouffe dans la presse, on se marre au bistrot, bref tout Grenoble affiche un large sourire. La palme des deux meilleurs dessins de presse revient, sans discussion possible, à Jean BRIAN.

C’est tout d’abord ce poster très connu titré « Les grandes heures de Grenoble », où l’on voit trois bulles débordantes d’un public plutôt placide, attendant d’être libéré par les pompiers. Sur le câble, deux agents du téléphérique s’affairent sans affolement, dans une bulle un passager lit, une dame tricote, certains plongent, etc.

On peut reconnaître certaines personnalités de Grenoble, l’homme qui pêche serait le préfet qui, parait-il, mangeait une truite fraîche chaque midi ; dans la même bulle, une tête ronde et moustachue nous regarde en levant les sourcils, un peu grognon, c’est probablement Denis CREISSELS, l’ingénieur et concepteur des Bulles.

Dans la bulle du milieu, un autre moustachu, le regard tourné vers la gauche, c’est Jean JOUBERT, le contrôleur du BDARM (Bureau Départemental des Appareils des Remontées Mécanique). Dans la même bulle, au-dessus de l’homme au chapeau lisant Vol de Nuit, une tête au cheveux clairs, tournée de profil, regard porté vers la gauche, on reconnait Gaston CATHIARD, le directeur de l’entreprise Pomagalski (fabricant du téléphérique).

Dans la troisième bulle, à la gauche de l’homme qui joue de la trompette, une tête aux cheveux courts jaillie de la bulle, la bouche grande ouverte, comme dans un cri de colère, c’est Daniel VILLIOT, le directeur du téléphérique. En bas de l’échelle des pompiers, un bouquet de fleurs à la main, Hubert DUBEDOUT, le maire, à côté de lui, Jean-Louis SCHWARTZBROD, l’élu municipal président de la Régie du Téléphérique.

Enfin, le dessinateur, peut-être dans un souci de précision journalistique, n’oublie pas de représenter, presque au centre de l’image, le chien suspendu dans le vide. Il est vrai, selon le témoignage des sauveteurs, que son maître, refusant de se séparer du petit chien au moment de l’hélitreuillage, a préféré le garder dans ses bras. Par sécurité, il se passe la laisse du chien autour du cou et, au moment de l’extraction de la cabine, le chien lui échappe des bras. Voilà comment maître et chien, reliés par la même laisse autour du cou, ont survolé pendant quelques secondes l’Isère avant de rejoindre sain et sauf l’hélicoptère. Inutile de dire que les procédures d’évacuation actuelles interdisent ce type de comportement.

Sans doute, reste-t-il des personnalités que nous n’arrivons plus à identifier, on se demande où se trouvent MM. CLAVEL, GARNIER, BERGER… autant d’ingénieurs ayant apporté leurs compétences à la bonne de marche de notre appareil.


Dessin de l’inauguration par Jean BRIAN, en 1976

Dessin de l’inauguration par Jean BRIAN, en 1976

Le deuxième dessin de Jean Brian, moins connu mais tout aussi drôle, se moque gentiment de Denis Creissels (le concepteur des bulles) en le représentant seul dans une bulle et entouré de plus d’une vingtaine de systèmes de sauvetage allant du siège éjectable à une réserve de vivres pour 8 jours. On n’a pas fini d’en rire.

Panique au téléphérique

En 90 ans de fonctionnement, le téléphérique n’a été évacué que 2 fois, la première fois en 1976 et la seconde le 29 juin 2014 et j’étais dedans ! Nous étions avec Maryse MICHAUD en train de répéter un spectacle que nous avions créé à l’occasion des 80 ans du téléphérique. Évidemment un spectacle qui raconte l’histoire du téléphérique ne pouvait que s’amuser du déraillement de 1976, ainsi j’avais imaginé une sorte de conspiration anti-téléphérique. Le spectacle débutait dans les locaux de l’office de tourisme puis nous traversions la ville pour embarquer avec les spectateurs dans les bulles et jouer les dernières scènes en haut. Cela nous permettait de dire que nous étions le seul spectacle au monde intégrant un téléphérique dans la mise en scène. Et justement, ce jour-là avec Maryse, nous faisions des allers-retours pour régler un petit haut-parleur – que nous avions ajouté dans les bulles – et qui racontait de manière humoristique comment se comporter en cas de panne !

Mais quelle était-elle cette panne ? En raison d’un coup de vent absolument imprévisible et pile au mauvais endroit (au pylône) le câble tracteur a déraillé. C’était une journée très calme sans vent significatif – le relevé météo montre une force maximale à 8 km/h – quand est arrivée, du Nord de la vallée du Grésivaudan, une bourraque de 104 km/h. Une seule ! Je me souviens encore du mouvement latéral de la bulle, comment nous avons été soudainement bousculés, mais une seule fois. Puis le téléphérique s’est arrêté et nous avons attendu. Si cette rafale avait soufflé 15 secondes plus tôt ou 15 secondes plus tard, nous n’aurions rien à raconter car l’événement serait passé inaperçu, les bulles n’auraient pas été au pylône et le câble n’aurait pas déraillé. Reste que nous voilà coincés dans les bulles en compagnie d’un petit haut-parleur qui se moque des gens qui sont coincés dans les bulles.

Quelque temps plus tard les pompiers sont arrivés, sont passés par le pylône pour rejoindre le câble, ont remonté ce câble sur quelques mètres à la manière d’un pont de singe, puis sont entrés dans les bulles pour nous installer dans un baudrier et nous redescendre à la moulinette. Sur le sentier, un véhicule tout-terrain des pompiers nous a pris en charge pour nous remonter sur le glacis où un poste de secours nous attendait avec des boissons chaudes et tout ce qu’il faut pour réconforter les naufragés que nous étions devenus. Pendant ce temps, l’hélicoptère s’occupait de secourir les 30 autres passagers du train de bulles descendant qui était coincé au-dessus de l’Isère.

Enfin, au poste de secours, une équipe de télévision nationale faisait le reportage, je me suis donc approché d’eux et j’ai pu faire la promotion de notre spectacle dans toute la France ! Voilà pourquoi quelques années plus tard, certaines personnes s’amusent encore à me soupçonner d’être à l’origine d’un sabotage ! Ce que je démens formellement !

Ironie du sort, quelques jours plus tard nous faisions la répétition générale en public avec une centaine de spectateurs, quand un orage violent s’est déclenché au moment même où les derniers spectateurs arrivaient en haut. C’est ainsi qu’alors que nous jouions les scènes sommitales, le téléphérique arrêtait ses rotations pour laisser passer l’orage… Jamais un spectacle n’a porté si bien son nom : Panique au téléphérique.

Évacuation du téléphérique, en 2014

© Matthieu RIEGLER / CC-BY
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